vendredi 24 février 2017

2004-2006 : l'éclatement du groupe Hersant


Robert Hersant (1920-1996)
Robert Hersant (1920-1996), a fondé son groupe de presse dans les années cinquante
De l'Oise Matin en 1953 à Centre Presse en 1957, France Antilles en 1964, puis Nord Matin en 1967, Paris Normandie en 1972, Nord Eclair en 1975, Le Dauphiné Libéré et Le Progrès en 1986, celui que l'on surnommait "le papivore" racheta également Le Figaro en 1975, France Soir en 1976, L'Aurore en 1978.
Au total, plus de 70 journaux, en France, outre-mer, et même en Pologne, Hongrie et Tchéquie (revendus en 1996 et 1997).

Dans "Le monde selon Hersant" (Ramsay, 1997), Elizabeth Coquart et Philippe Huet écrivent : " Il inaugura en série toutes les nouveautés technologiques, se plaça à la pointe de toutes les modernisations de l'imprimerie" (...)
" Détesté, méprisé, notamment au sein de la profession, Hersant que l'on nomma bientôt plus que par ses initiales, RH, balaya avec arrogance tous ceux qui tentèrent de lui barrer la route ".

Hersant ne connut qu'un seul échec : la Cinq, chaîne de télé qui faillit engloutir son empire entre 1987 et 1990.
En 1984, le gouvernement (de gauche), tenta de faire adopter une loi pour restreindre la concentration dans la presse, visant directement Robert Hersant. Cette loi voulait imposer qu'un même groupe ne puisse pas contrôler plus de 15 % de part de marché des quotidiens. La loi, démontée par le Conseil constitutionnel, sera abrogée en 1986, après le retour de la droite au pouvoir. La loi Léotard de 1986, remaniée en 1994 et 2000 stipule qu’ « une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49% du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l’audience moyenne annuelle par un réseau de communications électroniques, … tant en mode analogique qu’en mode numérique, dépasse 8% de l’audience totale des services de télévision ». C’est la règle dite des « 49% ».
Il existe également dans la loi de 1986 un dispositif concernant l’édition d’un même groupe sur plusieurs médias à la fois. C’est la règle des « 2 sur 3 » : autrement dit, un éditeur ne peut se trouver que dans deux situations sur les trois suivantes :
- Éditer un ou plusieurs services de télévision hertzienne desservant au moins 4 millions d’habitants.
- Éditer une ou plusieurs stations de radio touchant au moins 30 millions d’habitants.
- Éditer ou contrôler des quotidiens d’information politique et générale, couvrant une zone de diffusion au moins égale à 20% de la diffusion totale des publications de même nature.
A la mort de Robert Hersant, en 1996, son groupe employait quelque 8000 salariés avec 6 milliards de chiffre d'affaires. 

En 2004, la SOCPRESSE, est reprise à 87 % par le groupe Dassault (déjà présent à 30 % depuis 2002). En 2006, Dassault rachète les 13 % détenus par la petite-fille d'Hersant.
En 2005 les quotidiens Presse Océan, Le Courrier de l'Ouest et Le Maine Libre sont vendus au groupe Ouest-France. Dassault recède à Rossel les 40 % de capital acquis en 1987 par Hersant.
En 2006, le groupe L'Express-L'Expansion et "L'Etudiant" sont vendus au belge Roularta et les quotidiens Le Progrès, Dauphiné Libéré, Bien Public, Journal de Saône-et-Loire sont cédés au groupe de L'Est républicain, racheté lui-même par le Crédit Mutuel en 2009.
Egalement, les journaux du "Pôle Nord", La Voix du Nord, Nord-Eclair, La Voix de l'Aisne, Nord Littoral, Le Courrier Picard, intègrent le groupe Rossel, avec des journaux flamands, des hebdomadaires locaux des Alpes-Jura, et le groupe audiovisuel Nep TV.

Toujours en 2006, le groupe France-Antilles est transformé par Philippe Hersant en Groupe Hersant Média (GHM) qui réunit notamment les quotidiens France Antilles Guadeloupe, France Antilles Martinique et France Antilles Guyane, Le Journal de l'Ile de la Réunion, La Dépêche de Tahiti et Les Nouvelles de Tahiti, Les Nouvelles calédoniennes.

En quelques années, les "bijoux de famille" sont revendus, GHM étant endetté à hauteur de 200 M€.
En 2011, les journaux gratuits de petites annonces "ParuVendu" de la Comareg déposent le bilan avec un lourd plan social pour 2.400 salariés. La marque "ParuVendu" est reprise sur Internet par la société lyonnaise Digital Virgo.
Dans l'incapacité de rembourser l'emprunt contracté pour l'achat en 2007 des journaux régionaux de Lagardère (Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin et La Provence), il est contraint de procéder à la cession de nouveaux actifs.
2012 : cession de cinq départementaux de l'est et d'une radio au groupe Rossel. 
2013 : revente des quotidiens La Provence, Var Matin, Nice Matin, Corse Matin".
Philippe Hersant reste à la tête du groupe de presse suisse francophone ESH Médias.

jeudi 23 février 2017

L'assistanat des aides de l'Etat

La presse écrite est " sous assistance respiratoire permanente" estimait Aldo Cardoso, auteur d'un rapport en 2010 sur les aides publiques à la presse. Les aides de l'Etat représentent 12 % des recettes, la presse nationale étant la mieux dotée. 

Le rapporteur conseillait au gouvernement de mettre un terme à ce système et de rendre ces aides "plus efficaces", en conditionnant leur octroi à la mise en place de "stratégie d'innovation et de maîtrise des coûts", à coups "d'indicateurs objectifs" comme le taux moyen de réabonnement, les résultats financiers ou les effectifs dans les rédactions et les imprimeries. 
Le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) comportait jusqu'en 2013 trois sections : une première consacrée aux projets de modernisation et de mutations industrielles ; une deuxième consacrée aux investissements des services de presse en ligne ; une troisième consacrée au développement du lectorat de la presse. Depuis 2014, il n'y a plus qu'une seule série de données annuelles. 
En 2016, les dispositifs du FSDP ont été réformés et a été instauré le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, couvrant notamment des bourses d’émergence, un programme d’aide aux incubateurs de presse et un dispositif de soutien à des programmes de recherche et de développement.


 Il faut distinguer les aides directes (à la diffusion ou au pluralisme) et les aides indirectes (fiscales et sociales).

Voir l'intégralité du rapport Cardoso


> L'EVOLUTION DES "AIDES"

2010 : 1,813 milliard 
- Aides à la presse écrite (diffusion, pluralisme, modernisation). Déficit supporté par La Poste : 399 M€
- Aides indirectes : 200 M€
- Allocation forfaitaire journalistes : 20 M€
Sous-total presse papier + en ligne : 1 055,9 M€
- Financement de l’audiovisuel : 497,9 M€
- Audiovisuel extérieur (RFI, France 24 et TV5 Monde) : 199,1 M€
- Soutien aux radios locales : 29 M€ Fonds de soutien à l'expression radiophonique
- Les chaînes Public Sénat + La Chaîne parlementaire : 31,6 M€
    2012 : 1,2 milliard d'aides directes (70 M€ d'aides au développement du portage, abonnements à l'AFP, 250 M€ aides versées pour la restructuration de Presstalis et indirectes (aides postales en avantages tarifaires, taux de TVA réduit à 2,1 % pour la presse papier, allocation forfaitaire journalistes.
    Le Monde et Le Figaro sont les mieux dotés, avec respectivement 18,6 et 18,2 M€ versés.
    Répartition par exemplaire diffusé (selon la Cour des comptes et par ordre décroissant) :
    L'Humanité: 48 c
    La Croix: 32 c
    Le Nouvel Obs: 29 c
    Libération: 27 c
    L'Express: 23 c
    Le Point: 20 c
    Le Monde: 19 c
    Le Figaro: 17 c
    Ouest-France: 6 c
    Le Parisien: 4 c
    Pour L’Huma et La Croix, ces chiffres incluent les "Fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires" destinés à soutenir les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial. 
    Ces deux journaux ne récoltant respectivement que 11,3 % et 7,3 % de leurs ressources par recettes publicitaires.

    A noter qu'en 2013, L'Humanité, à l'initiative du gouvernement, a bénéficié d'une annulation du capital et des intérêts d'un prêt de 4 086 710 euros contracté en mars 2002.

    2013 : 400 M€

    Le Figaro 15,2 M€ (15 c/exemplaire) - Aujourd'hui 14 M€ (26 c) - Le Monde 13 M€ (14 c) - La Croix 8,3 M€ (27 c) - Ouest-France 8,2 M (3 c) - Libération 7,9 M (27 c) - Télérama 7 M (24 c) - L'Huma 5,9 M (59 c) - L'Obs 5,2 M (21 c) - L'Express 4,9 M (20 c)

    2015 : 77,1 M€. Les 20 journaux les plus aidés
    Toutes aides confondues, Aujourd’hui en France, Libération, Le Figaro, Le Monde sont les premiers bénéficiaires (7,7 M€, 6,5 M€, 6,4 M€, 5,4 M€).
    Libération, La Croix et Ouest-France sont les premiers bénéficiaires de l’aide directe (de 5,1M€ à 4 M€).
    Rapporté au nombre d’exemplaires : l’Humanité (0,36€), Causette (0,24€) et Libération (0,23€).
    L’effort de l’Etat va en faveur des marchands de journaux. En 2017 exonération de la contribution économique territoriale (CET), soit 7,5 M€. Soutien à la modernisation des magasins et à leur informatisation renforcé dès 2017 pour 6 M€.
    La Croix : 4 405 474
    Ouest France : 4 094 071
    LHumanité : 3 590 875
    La Dépêche du Midi : 1 656 519
    Les Echos : 1 643 837
    Le Progrès : 1 609 400
    Le Parisien : 1 572 941
    LEquipe : 1 485 067
    Presse Océan : 1 341 811
    Le Dauphiné : 1 195 057
    LEst Républicain : 1 193 079
    La Haute Marne : 1 190 406
    Le JDD : 1 149 031
    Sud Ouest : 1 139 971
    La Voix du Nord : 1 030 775
    La République des Pyrénées : 1 000 805

    > L'AGENCE FRANCE PRESSE (AFP)

    L'Etat n'est pas actionnaire. 
    En effet, depuis une loi de 1957 son statut coopératif lui permet d'être indépendante de l'Etat, une majorité d'administrateurs (8 sur 15) étant composée d'éditeurs de presse. 
    En l'absence d'actionnaires, la loi exige seulement un équilibre de son budget.
    Jusqu'en 1991, l'Etat n'assurait plus que 50 % du chiffre d'affaires
    Ses bénéfices (par les abonnements vendus aux entreprises de presse) doivent normalement permettre d'assumer charges de fonctionnement et investissements.
    Au début des années 2000, l'AFP a été confrontée à des déficits liés à la crise économique, l'éclatement de la bulle internet et les 35 h. Une centaine d'emplois ont dû être supprimés et des "gros" clients ont déserté l'agence (Washington Post et le groupe suédois Metro).

    En 2008, la direction propose un projet de transformation en société par actions entre l'Etat et les salariés. Le gouvernement appuiera ce projet mais il sera bloqué par les syndicats après des grèves et des manifestations. Le projet enterré ressortira en 2011 avec un projet de loi déposé au Sénat, préconisant la diminution du nombre d'éditeurs de presse dans le conseil d'administration sans réduire la part de l'Etat. Une nouvelle grève surviendra contre le projet.
    En 2014, un projet vise à augmenter le nombre d'administrateurs (de 15 à 18, les représentants des salariés passant de 2 à 3).

    En 2015, le droit européen règlera le problème avec une participation financière supérieure de l'Etat devenue indispensable du fait de la crise de la presse française qui réduit le nombre d'abonnements et pèse ainsi sur le chiffre d'affaires de l'AFP.

    TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

    Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...