vendredi 22 novembre 2019

Le point sur la presse gratuite

Au début des années 2000, un terrible concurrent est venu grignoter 

les taux de pénétration de la presse payante dans les grandes métropoles.



Entièrement financée par la publicité, son ambition était de partir à la conquête des zones urbaines. 
Un péril importé par le groupe norvégien Schibsted qui trouva un allié de poids avec le groupe
Sipa-Ouest France pour lancer 20 Minutes, via sa filiale Spir Communication (25 % du capital).

Objectif : conquérir un nouveau lectorat, urbain et jeune, qui ne lisait pas la presse payante...
Résultat, il allait l'affaiblir un peu plus !
Le journal payant, qui représente un budget non négligeable pour l'acheteur, n'est plus considéré 
comme indispensable par le lecteur à qui les gratuits fournissent une info minimaliste 
et jetable, distribuée à la bouche du métro...
Le modèle économique de la presse gratuite reposait uniquement sur les recettes publicitaires.
Avec la concurrence des médias numériques, l'équilibre financier n'étant pas au rendez-vous, 
le modèle a dû se modifier, aidé par le développement de la 4G et la 5G dans les transports en commun. 
En 2019, seul 20 minutes a réussi son virage numérique. 



20 Minutes : fondé en 1999, lancé à Paris en 2002, dans les grandes 
villes en 2004. Diffusé aujourd'hui dans 11 métropoles (Paris, 
Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, 
Strasbourg et Toulouse).
En 2009 : lancement de  l'appli smartphone.
En 2011 : lancement de version iPad
20 Minutes, représentait 18,5 M d'utilisateurs print-web-mobile-
tablette en 2018. 
2019 : 20 Minutes est devenue la 2e marque de presse en 
nombre de lecteurs après Le Figaro avec près de 23 millions 
de personnes qui lisent les articles de 20 Minutes chaque mois.
En 2015, sa diffusion était de 889.192 ex. /jour avec 3,75 M de lecteurs.
Capital 2002 : Schibsted 50 % - Spir 50 %.
En janvier 2016, Schibsted cède sa participation au belge Rossel.
En février 2016, Spir Communication cède sa participation à sa maison-mère Sipa-Ouest-France
> Lire : Que reste-t-il de la presse gratuite 15 ans après le lancement de 20 minutes (15/03/2017)
En octobre 2019, Sipa/Ouest-France est passé de 25 à 50 % de participation pour 5,3 M€, 
désormais détenu à parts égales avec le groupe belge Rossel.

Métro : fondé en 1995 en Suède par Metro International est présent dans 120 villes 
du monde.
Publié en France en 2002, le groupe TF1 est actionnaire à 34 %. En 2011, il rachète le reste et lance 
en 2013 Métronews avec une nouvelle version web. 
Le 3 juillet 2015, arrêt de l'édition papier "en raison de la crise du marché publicitaire". 
Fermeture du site en août 2016 et renvoi au site de LCI, filiale de TF1.

Direct Matin fondé en 2007. Diffusion : 1 million d'exemplaires / jour.
Capital : Bolloré 70 % avec sa filiale MatinPlus SA de Bolloré médias - Le Monde 30 % avec sa filiale
Sofiprom. Direct Matin est devenu CNews en décembre 2017.

Produit en association avec le réseau VillePlus : Le Midi libreLe ProgrèsLa ProvenceSud-Ouest et La Voix 
du Nord : CNews Montpellier plusCNews LyonplusCNews Provence à MarseilleCNews Lille et CNews 
Bordeaux 7 (en décembre 2018, le quotidien Sud Ouest a décidé de se retirer de ce partenariat lancé il y a 10 ans)
Egalement diffusé à Nantes (CNews Grand Ouest), Toulouse (CNews Toulouse), Nice (CNews Côte d'Azur) et
Strasbourg (CNews Strasbourg).

vendredi 8 novembre 2019

L’Echo liquidé : la fin du pluralisme

L’Echo c’est fini ! Sans surprise ce vendredi 8 novembre 2019, le tribunal de commerce de Limoges a prononcé la liquidation de la SNEM (Société nouvelle l’Echo la Marseillaise) qui édite le quotidien régional, en cessation de paiement. 48 salariés vont devoir s’inscrire à Pôle Emploi.

Un faire-part de décès placardé sur les murs du tribunal de commerce
de Limoges, mercredi dernier (dr)
Sans attendre le délibéré du tribunal de commerce, L’Echo avait annoncé mercredi en « Une » : Ce numéro de L’Echo est le dernier...
Le gros titre « Adieu aux lecteurs » augurait de la fin précipitée de ce quotidien, ancré à gauche. 
Mardi soir, la rotative s’est arrêtée définitivement et mercredi, pour un ultime au revoir, entre 200 et 300 personnes s’étaient réunies devant le tribunal de commerce de Limoges. 
Un soutien réconfortant pour les 48 salariés et les responsables de l’association Pluralisme, actionnaire majoritaire de la société éditrice. Un cercueil noir, symbolique, a même été déposé contre les murs de la cité judiciaire...

Un modèle économique
à bout de souffle

Asphyxie économique, réduction des annonces légales, crise de la presse régionale, après 76 ans d’existence cette disparition est le résultat d’un modèle économique à bout de souffle, qui n’a pas su se projeter dans le XXIe siècle. 
L’Echo est notamment resté sourd au virage numérique, son site internet L-echo.info offrant gratuitement un contenu identique à celui des éditions papier.
Issu de la Résistance sous le titre « Valmy ! », l’aventure débuta dans la clandestinité le 22 septembre 1943. 
Tiré à 8000 exemplaires le journal sera publié dans le Limousin, en Haute-Vienne, Creuse, Corrèze, Dordogne et Indre, cinq départements de la « zone libre » instaurée après l'Armistice de juin 1940. 
Emanation du parti communiste, Valmy fusionna avec La Marseillaise, de sensibilité gaulliste, pour devenir L’Echo du Centre.
Proche du parti communiste qui épongea au début ses difficultés financières, L’Echo du Centre s'en éloigna à partir de 1956 et chercha son indépendance financière en développant les abonnements, et en créant sa propre agence de publicité.
Les dissensions politiques de la fin des années 80, l’incendie de l’imprimerie en octobre 1988, laisseront le journal en état de quasi faillite. 
Les dons des lecteurs et la solidarité du concurrent, Le Populaire du Centre qui assura son impression jusqu’à la création de l’imprimerie Rivet, n’empêcheront pas le dépôt de bilan et un premier redressement judiciaire en 1994. 

La responsabilité 
des groupes de presse

Cette crise déboucha sur un nouvel actionnariat : depuis 1998, 62 % des actions appartenaient à l'association "Pluralisme" qui réunit lecteurs et partisans de la liberté de la presse. Le reste est assuré par le quotidien Le Monde (11 %), les groupes concurrents voisins, Centre France (5,76 %) et Sud-Ouest (2,88 %) et des investisseurs régionaux.
Il y a 20 ans, le 18 novembre 1999, L'Echo du Centre rénovait sa formule et devenait L'Echo.
En 2009, nouvelle crise financière et sauvetage par une souscription. 
En 2012, les 230.000 € de pertes entraineront un premier plan social. 
Le redressement prononcé en 2013 prévoyait un étalement des dettes sur dix ans. 
En 2016 et 2017, le journal restait déficitaire et l’été dernier, une souscription ne réunira que 15.000 € alors qu’il en aurait fallu 80.000. 
Fin 2018, L’Echo accusait 165.600 € de pertes. Un an après, Frédéric Sénamaud, président de "Pluralisme", estime à un million d’euros le montant des créances auprès des fournisseurs...
Malgré la fidélité du milieu associatif et l’information locale fournie par un réseau de correspondants, la diffusion de L’Echo n’a fait que péricliter, passant de 36.000 à 26.853 exemplaires (derniers chiffres publiés en 2015 par l'Union de la presse en région, le journal n'adhérant pas à l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias). 
Handicapé par un lectorat vieillissant dans des départements très ruraux  avec peu de grands centres urbains (à part Limoges), L’Echo a du affronter la redoutable concurrence des quotidiens liés aux groupes de presse régionaux : Centre-France avec Le Populaire et La Montagne, en Haute-Vienne, Creuse et Corrèze, le groupe Sud-Ouest avec La Dordogne libre, et le groupe La Nouvelle République du Centre-Ouest dans l’Indre.
Qu’ont fait les groupes de presse actionnaires, certes minoritaires, pour sauver L’Echo de l’ornière fatale ? 
Désormais, ces confrères concurrents se retrouvent en situation de monopole, foulant au pied le pluralisme qui présidait à leur présence dans l’actionnariat. Dans l’Indre aussi, la NR se retrouve en situation de monopole. Ce quotidien déjà fragilisé par plusieurs plans sociaux étant par ailleurs dans l’orbite de Centre-France, actionnaire à hauteur de 16 %.
L’Echo avait tenté, dans un ultime effort, de concevoir une nouvelle formule prévue pour le 12 novembre mais le journal a finalement renoncé. 
Dans l’Indre, il envisageait de supprimer ses pages cantonales nourries par ses correspondants locaux. 
Dans un courrier, la direction expliquait : « L’Echo continue de perdre de l’argent (…) Pour que l’Echo espère un avenir, il lui faut donc encore réduire ses dépenses de façon importante ». 
Cette stratégie suicidaire, basée sur l’assèchement d’une édition fragile, ne pouvait que précipiter la chute du quotidien en privant les lecteurs d’informations locales qui constituent son fond de commerce. 
Contenu appauvri, audience en chute libre entrainant la fonte des recettes publicitaires et des ventes… Impossible de sortir d’un tel cercle vicieux.
La disparition de L’Echo prive aussi l’imprimerie Rivet de son client historique. Une imprimerie déjà fragilisée par plusieurs redressements fiscaux en 2016 et 2017.
En attendant leur licenciement officiel, les personnels sont protégés par le régime de garantie des salaires et vont constituer un collectif de salariés dispersés entre Limoges, Tulle, Guéret, Périgueux et Châteauroux. 
Certains accusent la direction d'avoir été "les fossoyeurs du journal", estimant que les décisions n'ont pas été prises à temps, rapporte La Nouvelle République de Châteauroux. Les plus optimistes espèrent une éventuelle renaissance de L’Echo sous la forme hebdomadaire ou une version numérique attractive.


Thierry Noël-Guitelman

samedi 2 novembre 2019

L'Echo à nouveau devant le tribunal de commerce de Limoges

La dernière Une de L'Echo
Mercredi 6 novembre sera une journée cruciale pour la quarantaine de salariés du quotidien L’Echo, 75 ans après sa création.
Le tribunal de commerce de Limoges va une nouvelle fois statuer sur son avenir. 
De sensibilité de gauche, le journal risque la liquidation pure et simple, ses dettes, étalées sur dix ans, n’étant toujours pas remboursées depuis son dernier redressement judiciaire il y a sept ans.
L’Echo est  vendu dans cinq départements (Indre, Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne, Creuse) pour 26.853 exemplaires diffusés (derniers chiffres publiés en 2015 par l'Union de la presse en région, le journal n'adhérant pas à l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias). Des départements ruraux avec des quotidiens concurrents (Le Populaire, la Montagne, La Dordogne libre, La Nouvelle République du Centre-Ouest).
Une nouvelle formule était attendue pour le 11 novembre mais, comme un véritable suicide organisé, le journal a décidé de supprimer ses pages cantonales dans l’Indre et cinq postes seraient supprimés à Limoges, indique Le Populaire du Centre dans son édition du 31 octobre. 
Six correspondants locaux ont été remerciés en raison des difficultés financières. 
Dans un courrier, la direction leur explique : « L’Echo continue de perdre de l’argent (…) Pour que l’Echo espère un avenir, il lui faut donc encore réduire ses dépenses de façon importante ». 
Faut-il rappeler que les correspondants ne sont pas les coûts les plus importants dans un journal. N'étant pas salariés, ces travailleurs indépendants auto-entrepreneurs doivent payer eux-mêmes leurs charges sociales et n'ont pas droit à la carte de presse…
On voit mal comment L’Echo pourrait enrayer sa chute en privant ses lecteurs d’informations locales. Comment sortir du cercle vicieux en appauvrissant le contenu ? 
L'audience continuera de chuter et la publicité continuera de fondre…
Par ailleurs, L’Echo est resté sourd au virage numérique, son site internet L-echo.info offrant encore gratuitement un contenu qui reste identique à celui des éditions papier.
Publié dans la clandestinité en 1943 par des résistants, LEcho du Centre parait au grand jour le 25 octobre 1944. 
Proche du parti communiste qui épongeait au début ses difficultés financières, L’Echo du Centre s'en est éloigné à partir de 1956 pour devenir indépendant à la fin des années 1980. 
En octobre 1988, un incendie ayant ravagé l’imprimerie, le journal sera sauvé de la faillite grâce aux dons et à la solidarité du concurrent, le Populaire du Centre, qui assura son impression. 
Déjà en 1996, le bilan était déposé et le redressement judiciaire déboucha sur un nouvel actionnariat.
Depuis 1998, 62 % des actions de la société d'édition appartiennent à l'association "Pluralisme" qui réunit lecteurs et partisans de la liberté de la presse. Le reste est assuré par le quotidien Le Monde (11 %), les groupes concurrents Centre France (5,76 %) et Sud-Ouest (2,88 %) et des investisseurs régionaux.
Il y a 20 ans, le 18 novembre 1999, l'Echo du Centre rénovait sa formule et devenait L'Echo.
Ce montage n'a pas suffi à enrayer les difficultés de gestion. Un second redressement judiciaire est intervenu fin 2012.

En 2016 et 2017, le journal restait déficitaire avec d'importantes dettes à rembourser. 
L’été dernier, une souscription a permis de réunir 15.000 € alors qu’il en fallait 80.000.
Les salariés de l'Echo ont prévu de se rassembler mercredi prochain devant le tribunal de commerce de Limoges.

Thierry Noël-Guitelman

Lire aussi : sur le site de France Bleu Berry

TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...