mercredi 5 avril 2023

LE MONDE

TÉLÉRAMA CONDAMNÉ EN APPEL


28 novembre : le magazine Télérama a été condamné en appel pour avoir licencié sans cause réelle et sérieuse en 2019 le journaliste Emmanuel Tellier. Il avait été accusé de "harcèlement sexuel", ce qu'il contestait. 

Dans son arrêt, la cour d'appel de Paris confirme la décision de première instance prise par les prud'hommes en avril 2021, estimant la sanction « disproportionnée ». 

Deux faits seulement sont retenus : un courriel et une conversation, pouvant relever "d'un comportement inapproprié" mais pas "l'attitude harcelante imputée par l’employeur". Télérama a été condamné à verser 90.000 € d'indemnités à M. Tellier, aujourd'hui journaliste à Marianne, ainsi que 5.000 € au titre des frais de justice. 

L’enquête avait été déclenchée après des signalements recueillis par l'agence de conseil Egaé, cofondée par la féministe Caroline de Haas.


DANIEL KRETINSKY REVEND 

À XAVIER NIEL SES PARTS DANS LE MONDE 



23 septembre 2023 : l’homme d’affaires et milliardaire tchèque Daniel Kretinsky annonce sa sortie du capital du Groupe Le Monde au profit de Xavier Niel, actionnaire depuis 2010 aux côtés du banquier Matthieu Pigasse et du mécène Pierre Bergé (décédé en septembre 2017)

Daniel Kretinsky était actionnaire depuis octobre 2018 après avoir négocié le rachat de 49 % des parts de Matthieu Pigasse dans Le Nouveau Monde, société qui détenait sa participation dans le Groupe Le Monde. 

Ces dernières années, le milliardaire a multiplié ses investissements dans la presse et l’édition française (Elle, Marianne, Franc-Tireur, EDITIS) ou en tant que prêteur (14 M€) au quotidien Libération. Dans un communiqué D. Kretinsky précise qu’il « continuera à soutenir des titres français et à garantir leur indépendance en tant qu’actionnaire ».

Xavier Niel annonce avoir pris « l’engagement irrévocable de transférer ses parts au Fonds pour l’indépendance de la presse », comme il l’avait déjà fait en février 2023.

Cette structure, créée en 2021, rend statutairement incessible le capital versé.

Louis Dreyfus, président du directoire du Monde et Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, dans un message adressé aux salariés, soulignent que le Fonds pour l’indépendance de la presse devient le premier actionnaire du groupe. Le second actionnaire est le Pôle d’indépendance qui regroupe les sociétés de rédacteurs, les sociétés de personnels et la société des lecteurs du Monde.

Selon le Financial Times la transaction du rachat des parts du magnat tchèque serait d’environ 50 millions d’euros.

LE MONDE RENFORCE SA CELLULE « OSINT »

Mars 2023 : La cellule d’investigation vidéo et open source intelligence (OSINT) du Monde élargit son action à l’international. Créée en 2019 pendant le mouvement des Gilets Jaunes pour enquêter sur les violences policières en France, ce service dispose de nouveaux outils d’analyse d’images. Ces images sont vérifiées et permettent de mieux trier les fausses informations et tentatives de manipulation des médias. Un « sport » particulièrement remis au goût du jour avec la guerre russo-ukrainienne. La cellule réunit des enquêteurs vidéo, des journalistes spécialisés et des « motion designers 2D-3D ».

Ouïgours en Chine, djihadistes au Sahel, mercenaires de Wagner, trafic de migrants, le champs d’investigation est vaste. La cellule travaille en lien étroit avec les correspondants à l’étranger du Monde, photographes et envoyés spéciaux. 


COURRIER INTERNATIONAL : NOUVELLE APPLI 

Fin avril : la nouvelle application de Courrier International (groupe Le Monde) a permis à l’audience de bondir de 30 % en un mois. Outre un design rénové, le Réveil Courrier permet de trouver les infos de la nuit et une sélection de la presse étrangère dès 6 h. 


NIEL VA VERSER SES PARTS AU FONDS DE DOTATION


8 février : La Lettre A annonce que Xavier Niel, actionnaire du groupe Le Monde, va verser ses parts dans le Fonds pour l’indépendance de la presse. En avril 2021, il avait transféré pour 1€ symbolique l’intégralité de ses participations dans la presse, jusqu’alors logées dans sa holding NJJ Presse. Début 2022, il possédait 74,5 % du Monde Libre, actionnaire majoritaire (72,5 %) du groupe Le Monde et à 99 % de L’Obs, après avoir racheté la quasi totalité des parts de Matthieu Pigasse

Ce fonds de dotation permet de renforcer l’indépendance capitalistique du groupe de presse, les parts de Niel devenant incessibles. 


Début décembre 2022 : Jérôme Fenoglio annonce un record historique de diffusion payée avec 479.720 ex. / jour (+ 6 %) qui le confirme à la première position des quotidiens nationaux (voir ci-dessous son post Facebook).


Lors de son 77e anniversaire, en décembre 2021, Le Monde dépassait le cap des 500.000 abonnés dont 83 % exclusivement numériques : 441.000 numériques, 87.000 papier et 30.000 ventes en kiosques et autres points de vente, en France et à l’étranger. 

 

En 2020, les recettes de diffusion représentaient 68 % du CA de la Société éditrice (contre 22 % pour la publicité) : 25 % provenaient des abonnements numériques, 23 % de la vente au numéro et 20 % des abonnements « papier ». 

En 2021, lemonde.fr a été le premier site d'information français à franchir le seuil des 400.000 abonnés numériques, d’après le classement de Mind Médias.



> Le Monde, diffusion France payée 2021-2022 : 458.611 ex. + 8,14 % 


N°1 de la Presse Quotidienne Nationale, devant les 349.800 exemplaires du Figaro, n°2 de la PQN)


M Le Magazine du Monde (hebdo) : 466.279 ex. + 7,43 %



LE MONDE : NOMINATION CONTESTÉE


Octobre 2022 : le pôle d’indépendance du Monde (qui contrôle 25,4 % du capital du groupe) a émis des réserves après la nomination de l’énarque Line Sylla-Walbaum, DG du joaillier Chaumet (LVMH) à la tête du conseil de surveillance du groupe Le Monde, en remplacement de Jean-Louis Beffa. 

Le pôle réunit la Société des rédacteurs du Monde, la société civile des publications de La Vie catholique, la Société des lecteurs du Monde, la Société des cadres du Monde, la Société des employés du Monde, la Société des personnels du Monde, la Société des personnels du Courrier International et l’association des actionnaires minoritaires du Monde.


LEMONDE.FR : LANCEMENT DE L'ÉDITION ANGLOPHONE


Avril 2022 : le site du Monde lance Le Monde in English. Cette édition anglophone numérique propose la traduction d’articles du jour et une newsletter quotidienne en anglais. Huit journalistes animent cette nouvelle édition dont deux sont au bureau du quotidien à Los Angeles. Cette nouveauté répond à deux objectifs : proposer au monde anglophone une vision française et européenne de l’actualité et élargir le nombre d'abonnés à l'offre numérique du Monde.

Si le cap des 500.000 abonnés a été franchi pour la première fois en décembre dernier, Le Monde s'est donné pour objectif, notamment grâce à cette nouvelle édition, d'atteindre le million d'abonnés d'ici 2025.



HISTOIRE DE LA PRESSE





LE MONDE
 publie son premier numéro le soir du 18 décembre 1944 (daté du 19). Il remplace Le Temps qui, replié à Lyon en 1940, se saborda tardivement fin 1942. 
Hubert Beuve-Méry
 ( 1 9 0 2 - 1 9 8 9 ) a n c i e n correspondant du Temps à Prague, est sollicité par le général De Gaulle pour créer un « journal de référence » et remplacer Le Temps dont les locaux ont été réquisitionnés et le matériel saisi, en application des Ordonnances sur la liberté de la presse. Le nouveau quotidien s’installe au n° 5 boulevard des Italiens (il y restera 44 ans). Dès 1951, les salariés joueront un rôle important dans la gestion du journal et son indépendance, avec la création de la Société des rédacteurs (en disposant alors de 28 % des parts de la SARL Le Monde). Malgré des débuts difficiles (82.000 ex. vendus quotidiennement en 1949, lorsque France Soir vend 414.000 ex. Le Parisien Libéré 310.000, Paris Presse 248.000, Le Figaro 221.000, L’Humanité 167.000) il connaît un fort développement au début des années 1960 (137.433 ex.), le triplement des ventes en 1971 (347.783 ex.) et près de 500.000 à la fin des années 1970. Peu à peu orienté à gauche, son opposition au président Giscard d’Estaing, 

Le Monde soutiendra la candidature de François Mitterrand à la présidentielle de 1981, ce qui entraîna la fuite de nombreux lecteurs, la diffusion passant de 434.000 ex. entre 1974 et 1981 à 335.000 ex. en 1985. 


André Fontaine, nommé directeur en remplacement d’André Laurens, change la ligne éditoriale et n’hésite plus à critiquer le pouvoir (scandale du Rainbow Warrior, affaire des Irlandais de Vincennes), plusieurs journalistes subissant en réaction des écoutes téléphoniques. Affaibli par la concurrence de Libération et le renouveau du Figaro, Le Monde traverse une crise (vente de son immeuble en 1985) et se transforme en SA à directoire et conseil de surveillance en 1994. 


À la démission en 1994 de l’économiste-polytechnicien Jacques Lesourne (nommé en 1990), le rédacteur en chef Jean-Marie Colombani est élu directeur de la publication. Une nouvelle formule est lancée en 1995 avec une recapitalisation de 295 M de francs. Réélu en 2000, Colombani développe une stratégie de groupe avec la prise de contrôle des Journaux du Midi (Midi Libre, L’Indépendant, Centre-Presse Rodez) en 1999, des publications de La Vie Catholique (La Vie, Courrier International, Télérama). La situation financière se dégrade (25 M€ de pertes en 2003) et la rédaction tangue. 


2004 : Edwy Plenel démissionne de la direction de la rédaction (licencié avec 450.000 € d’indemnités il fonde Mediapart en 2008). 


2005 : le groupe Lagardère entré dans le capital, une nouvelle crise éclate. La société des rédacteurs s’opposera à la création d’un pôle sud de la PQR réunissant les quotidiens contrôlés par Le Monde et ceux de Hachette-Filipacchi Lagardère (La Provence, Nice-Matin, Corse-Matin, Var-Matin). 


2007 : Colombani, qui appelle à voter Ségolène Royal à la Présidentielle, voit la société des rédacteurs lui refuser un nouveau mandat à la direction du directoire du groupe. Le DG Pierre Jeantet lui succède. Fin 2007, des désaccords sur la gestion, entraîneront sa démission. 


2008 : Eric Fottorino, ex-directeur de la rédaction, puis directeur, devient président du directoire. Baisse des recettes publicitaires (- 40 % en 4 ans), 15 M€ de pertes, le groupe doit se séparer de plusieurs actifs (Les Cahiers du Cinéma, Fleurus Presse, la librairie religieuse La Procure). 


2009 : dans un éditorial Fottorino égratigne Sarkozy. Les amis du président de la République réagissent : Vincent Bolloré retire son gratuit Direct Matin des rotatives du Monde, Arnaud Lagardère le JDD, et Bernard Arnault Les Échos. La BNP, banque historique du journal, refuse d’aider au rétablissement des finances. 


2010 : reprise du journal par le trio Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, offre plébiscitée par les salariés actionnaires (une offre Perdriel-Orange-groupe espagnol Prisa, soutenue par Alain Minc, proche de Sarkozy, sera rejetée). 


Fin 2010 : révoqué de la présidence du directoire, Éric Fottorino est remplacé par Louis Dreyfus, jusqu'alors directeur du magazine Les Inrockuptibles et conseiller de M. Pigasse, et Erik Izraelewicz, nommé directeur des rédactions, qui décède un an plus tard. La volonté de propulser la révolution numérique, avec un transfert d’une cinquantaine de postes et la suppression de rubriques, suscite des démissions au sein de la rédaction. 


2014 : lancement d’une nouvelle formule. 


2015 : Jérôme Fenoglio devient directeur et Luc Bronner, directeur des rédactions. 


2017 : suite au décès de Pierre Bergé, Jean-Louis Beffa, ancien président de Saint-Gobain, est élu président du conseil de surveillance du Monde, où il siégeait depuis 1994. Création du Décodex. Niel et Pigasse rachètent chacun la moitié des parts de Bergé. 


2018 : Pigasse vend 49 % de ses parts au milliardaire Daniel Kretinsky. 

2019 : Pigasse et Kretinsky veulent racheter les parts du groupe Prisa (20 % du groupe Le Monde) mais la négociation n’aboutira pas. La rédaction obtient un « droit d’agrément » pour préserver

l'indépendance é d i t o r i a l e. 

Désormais, il permet de bloquer un changement d’actionnaire. 


2020 : déménagement du 80 boulevard Blanqui (13e) dans le nouveau siège 67/69, avenue Pierre-Mendès-France, près de la gare d’Austerlitz, sur 23.000 m2 (photo ci-contre). 


2021 : mutation digitale réussie du quotidien. 

Création du Fonds de dotation pour pérenniser l’indépendance capitalistique. Caroline Monnot, nouvelle directrice de la rédaction, présente ses excuses pour un dessin pouvant choquer des personnes transgenre. 

Le dessinateur Xavier Gorce démissionne après 18 ans de présence, estimant que « la liberté ne se négocie pas ». 

En mars 2021, Plantu a quitté Le Monde après plus de 40 ans de dessins.

Un départ à la retraite, qui n’a rien à voir avec le départ de Gorce qui publie désormais dans Le Point.



LE MONDE DIPLOMATIQUE



Né en 1954 par Hubert Beuve-Méry,  dans le giron du Monde, le Diplo dispose d’une indépendance éditoriale et financière en étant une filiale du Monde SA (51 %). Les 49 % restants se partagent entre Les Amis du Monde diplomatique et une association regroupant le personnel.

Président du directoire : depuis 2008 Serge Halimi (fils de Gisèle Halimi), né en 1955.

Vice-président et rédacteur en chef adjoint : Renaud Lambert (co-fondateur de l’Observatoire Français des Médias), né en 1974.

Rédacteur en chef : Benoît Bréville, né en 1983. Historien et journaliste

Mensuel, il est le journal français le plus diffusé dans le monde avec 34 éditions dont 9 numériques, traduit en 19 langues dans une trentaine de pays. Il se veut « le journal de référence de tous ceux qui veulent comprendre le monde mais aussi le changer » et sa ligne éditoriale est associée à la gauche anti-libérale. Une revue bimestrielle est également éditée : Manière de voir


> Le Monde diplomatique, diffusion France payée 2021-2022 : 155.206 ex. + 0,31% CA 2021 : 12,656 M€ (+ 9,34 % / 2020). Résultat net : 1,978 M€


mardi 4 avril 2023

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

JOURNALISTES, N’AYEZ PLUS PEUR ! 



David Dieudonné, directeur du Google News Lab* était l’invité de l’école de journalisme de Sciences Po Paris, le 31 mars dernier. 

Rassurant ! En une heure chrono, il a su gommer les craintes propagées autour de l’intelligence artificielle, en vantant ses mérites adaptés à la production d’information et aux besoins des journalistes.

Une réponse argumentée face au « hype » de ces derniers mois, histoire de positiver le contexte de crise de la firme de Montain View qui, de l'aveu même de son PDG Sundar Pichai, admet  les débuts hésitants de son IA Bard, moins performant que ses concurrents OpenAI et Bing Chat de Microsoft


Les déclarations tonitruantes d’Elon Musk et de centaines d’experts mondiaux, le 29 mars dernier, n’ont fait que relancer la psychose en réclamant une pause de six mois dans la recherche sur les IA, craignant « des risques majeurs pour l’humanité ». 

En attendant une législation européenne (IA Act), l’Italie a même annoncé son intention de bloquer le robot conversationnel d’OpenAI, accusé de ne pas respecter la législation sur les données personnelles.


« Tirer les meilleurs

partis de l’IA »


Alors que Google a du mal à s’imposer dans le domaine des intelligences artificielles conversationnelles, David Dieudonné** préfère s’en tenir à un commentaire soft sur Bard, évoquant une « expérimentation très prudente ». Loin des polémiques, il préfère insister sur les « bases claires » des partenariats noués par Google avec les médias. 

Face à ceux qui craignent la disparition d’emplois dans le secteur fragile des médias (Ndlr : Springer a annoncé fin février des licenciements à Bild et Die Welt), le représentant du géant californien rappelle que Google s'est investi depuis des années dans un travail de recherche sur l’intelligence artificielle : « Avec The London School of Economics and Political Science (LSE), Google mène depuis cinq ans un travail de recherche pour permettre aux rédactions de tirer les meilleurs partis de l’IA, de façon responsable en respectant les enjeux déontologiques au coeur de cette problématique ».


Les craintes sont surtout liées à la méconnaissance des professionnels comme le révèle une enquête mondiale de Polis (groupe de réflexion pour la recherche et le débat sur le journalisme international à la LSE), qui a interrogé les utilisateurs de l’IA dans les rédactions. 

Premier enseignement : « les robots ne vont pas prendre le contrôle des rédactions et l’inquiétude n’est pas si profonde, l’IA venant en complément du travail journalistique. Une sorte d’assistant, ''coworker’’ en anglais, le journaliste ayant toujours le dernier mot » assure David Dieudonné.

Seconde constatation : trop peu de médias ont une stratégie IA (seulement 37 % des rédactions interrogées) par manque de ressources financières et de compétences.

Aussi, « l’effort numéro 1 porte sur la formation » avec des programmes de plusieurs semaines. « Ces modules réalisés par Journalism AI Discovery permettent de réduire le gap entre grandes et petites rédactions qui ont les mêmes besoins ». Cette action complète l’instauration de nouveaux métiers comme « computational journalist » ou « data reporter ».



Quelles applications ?


Des applications concrètes ont été expérimentées pour réduire l’intervention humaine dans les processus de production de l’information et se consacrer à l’essentiel du métier : « L’IA peut aider au  repérage des « breaking news » dans le bruit des réseaux sociaux. Pour la collecte de l’info, Reuters News Tracer scrute les « signaux faibles » et traque les fausses infos ».

Autre utilisation : comment retrouver des infos utiles dans une masse de documents, images, fichiers audio, interviews et autres ressources ? 

C’est la méthode utilisée dans les Panama Papers. 

Depuis 2020, Google a développé Pinpoint, un outil gratuit, qui permet aux journalistes de télécharger (uploader dans un drive) jusqu’à 200.000 documents dans plusieurs formats.

On peut aussi entraîner un modèle pour repérer dans des images satellites, des « patterns » de couleurs et de formes. Une technologie utilisée par le site ukrainien texty.org. pour repérer des activités minières illégales.

Autre application phare : l’automatisation de tâches chronophages. 

En 2016, le Washington Post utilisait déjà les services d’Heliograf pour récupérer et valoriser par du texte les résultats de football des Highschools, évitant ainsi un travail fastidieux.  L’AFP  s'en sert  pour les rébarbatifs résultats financiers des entreprises.

Des archives, valorisées par l’IA, retrouvent une seconde vie, source de nouvelles recettes pour le média : Life Magazine a pu exploiter des millions de photos qui ne disposaient d’aucune métadonnées, grâce à un algorithme adapté.

L’IA dans les rédactions intervient également dans le « reformatage » en éditant des résumés d’articles ou des encadrés, utiles sur différents supports.

Les innovations à venir continuent de nous étonner…


À peine sortis du feuilleton des droits voisins, les éditeurs de presse ne sont pas près d’en finir avec les géants de la tech. Domestiqués par les journalistes, les robots de l’IA n’ont-ils pas tout intérêt à devenir des « alliés » plutôt que des « ennemis » ?


Thierry Noël



REPÈRES


  • * Le Google News Lab intervient depuis 2015 dans les rédactions du monde entier avec des programmes de formation. En Europe, sa Digital News Initiative a subventionné plus de 450 projets d’innovation pour "aider le journalisme à prospérer à l'ère numérique ». 
  • ** David Dieudonné a été journaliste pendant 20 ans, dont 15 à l'AFP (Marseille, Paris, Washington) après un passage à VSD et à La Tribune. Il a rejoint Google en 2016. Spécialiste des nouveaux médias, il est diplômé d'un master de journalisme à Columbia University. Maître de conférences à l'EDJ Sciences Po (2014-2015).
  • L’action de Google News Initiative a permis la mise en place d’actions contre les « fake news » (CrossCheck pendant les élections françaises de 2017). En 2022, Google a financé une quarantaine de médias européens jugés innovants, dont 8 français, parmi lesquels L'Humanité, Konbini ou Les Jours, à hauteur de 150.000 euros chacun maximum. 
  • En France, l’Autorité de la Concurrence a sanctionné Google en 2021 à hauteur de 500 M€ d’amende pour non respect de ses injonctions sur les droits voisins (une rémunération due pour la reprise de contenus, articles, photos, dépêches). Cette sanction intervenait un mois après une amende de 220 M€ portant sur ses pratiques en matière de publicité.


LE MONDE DE L’IMAGE BOUSCULÉ 


La photo du pape François avec sa doudoune blanche a fait le tour du monde depuis le 25 mars ! Devenue virale, cette image n’était qu’une création de l’IA. D’un point de vue éthique, ces photos « truquées » interpellent comme les vidéos « Deepfake ». 

Réalisées avec les logiciels Midjourney ou Dall-E-2, elles menacent les photographes et illustrateurs dans leurs droits d’auteurs. 

Des artistes mais aussi des médias font déjà appel à ces outils, générateurs « text-to-image » pour concevoir des illustrations faute de temps ou de ressources financières pour rémunérer des professionnels.

En juin 2022, le réputé magazine britannique The Economist a laissé l’IA créer sa Une ! (ci-contre) avec un article explicatif titré : « comment un ordinateur a conçu la couverture de cette semaine ».

Pour l’instant, la justice américaine interdit d’accorder des droits à des images générées par l’IA. En février 2022, la US Copyright Office Review Board a rejeté une demande visant à accorder un copyright à une image de paysage générée par l’IA et intitulée « A Recent Entrance to Paradise ».



LES ÉCHOS-LE PARISIEN S’ENGAGENT SUR L’IA


24 mai : le groupe Les Échos-Le Parisien (LVMH) a pris des engagements concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans les rédactions. Les directions des 10 rédactions du groupe ont prévu de s’engager sous la forme d’un manifeste dans le respect des chartes et usages déontologiques. Il est désormais prévu de ne pas publier de contenu éditorial généré en totalité ou partiellement par une IA sans supervision éditoriale et humaine. 

La possibilité reste ouverte à titre illustrait, en mentionnant explicitement l’origine du contenu. L’IA pourra s’utiliser comme « outil d’enrichissement, de recherche ou de synthèse pour aider et nourrir le travail des journalistes ». Il en va de même pour les images ou vidéos, sauf lorsque l’IA sera utilisée comme un outil d’aide à la synthèse de vidéos, dans le respect des droits d’auteurs.


CNIL : UNE ENQUÊTE SUR CHATGPT


14 avril : la Commission nationale de l'informatique et des libertés a décidé d'ouvrir une enquête à l'encontre de ChatGPT, en raison du manque de transparence concernant ses conditions d’utilisation. Cinq plaintes ont été déposées depuis début avril, suite à l’absence de "conditions générales d’utilisation », ou de données erronées. Celle du député (Renaissance, Côtes d’Armor) Éric Bothorel concerne de possibles infractions au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD). L'élu a publié des captures d'écran de ses échanges avec l'outil l'IA, qui montrent de nombreuses erreurs lorsqu'il est interrogé sur son profil, avec des dates et fonctions fantaisistes. Le RGPD stipule que les données personnelles doivent être exactes.



Fin février : le groupe de médias allemand Axel Springer annonce des suppressions d’emplois dans les quotidiens Bild et Die Welt. Des décisions motivées par l’introduction de l’intelligence artificielle, susceptible de « remplacer » des journalistes. 

Demain, le journaliste sera-t-il remplacé par un ChatGBT ? 

Menace ou opportunité ?

 

Dans une lettre aux salariés le PDG Mathias Döpfner annonce vouloir valoriser « la création journalistique, avec les reportages, scoops et éditoriaux, qui devient le coeur de métier tandis que la « production journalistique va devenir un ‘’sous-produit’’ ».  

Un travail de plus en plus automatisé. Aussi, des suppressions d’emplois « significatives » ont été décidées dans les domaines du pré-presse, de la mise en page, la correction et l’administration.

Springer emploie 18.000 personnes dans le monde, dont 3.400 journalistes et compte « améliorer ses bénéfices d’environ 100 M€ dans les trois prochaines années par le développement des ventes et des économies de coûts ». 

En 2022, 85 % des ventes et 95 % des bénéfices proviennent du numérique.


LES AUTOMATISMES SE DÉVELOPPENT EN FRANCE


Si ChatGPT *, est capable de produire un texte sur n’importe quel sujet en quelques secondes, les développements de l’intelligence artificielle ne datent pas d’hier. 


Le « lean management » (amélioration des processus) est entré dans les rédactions au début des années 80 avec l’informatisation des rédactions et l’automatisation d’actions répétitives comme le montage des pages.

Dès 1994, Synapse Développement, fondée à Toulouse par des ingénieurs passionnés de langue française, a mis au point les premiers chatbots conversationnels. L’an dernier, l’entreprise a remporté le concours i-Nov, financé par les Investissements d’Avenir de l’État.

À partir de 2018, le groupe suédois MittMedia a équipé la presse de logiciels capables de donner la météo, de rendre compte de rencontres sportives, d’afficher les résultats boursiers et les annonces immobilières. En France l’AFP utilise ces algorithmes pour certaines dépêches. 


En 2018 également, le Groupe Pratique (fondé en 2014), spécialisé dans le service internet de la vie quotidienne, a fait l’acquisition de la start-up LabSense qui réalise des contenus récurrents pour L’Équipe, 20 Minutes, actu.frUni Médias, Unify, L’Union, L’Est Éclair, Centre France, Le Courrier Picard, La Voix du Nord, Marie Claire, France TV, France 3, Télé7jours, InfoPro, Rossel, ELLE, etc.


L’horoscope, la météo, les résultats électoraux, les biographies, sont des exemples courants de contenus automatisés.

Dans son argumentaire commercial, LabSense propose « de déléguer la rédaction de contenus fastidieux, à faible valeur journalistique et pourtant indispensables aux yeux du lectorat. » (…) «  La puissance de l’IA est mise au service de vos contenus ». 


L’objectif est d’accroître le trafic des sites et de libérer les rédactions. LabSence utilise les logiciels de Syllabs qui génèrent des textes « dans un souci de performance digitale et de rentabilité ». Ouest-France, l’AFP, Le Monde, Radio France, Auto Plus en sont clients.


https://www.lab-sense.com


(*) ChatGPT a été lancé en novembre 2022 par OpenAI, une société américaine co-créée par Elon Musk et Sam Altman en 2015 et valorisée à 29 milliards de dollars en 2023.


L’IA AU SERVICE DU FACT-CHECKING ET DES MALENTENDANTS


Radio France, l’école Polytechnique et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) ont engagé en 2022 un partenariat pour développer l’IA dans ses rédactions afin de vérifier l’exactitude des faits, chiffres et citations. La mise en oeuvre de ce nouveau type de fact-checking fait appel à des logiciels adaptés.


> La chaîne franceinfo fait appel à un outil de sous-titrage automatique, basé sur l’IA, pour une dizaine de ses JT et deux en langue des signes. Sur la plateforme france.tv Lab les internautes peuvent apporter leur contribution jusqu’au 19 juin pour améliorer l’outil en répondant à un questionnaire.


> Depuis 2013, l’éditeur israélien Wibbitz permet de « digérer des articles pour les transformer en audios et vidéos de moins d’une minute » mis en ligne en quelques clics.

Dès 2014, cette start-up s'est vue décernée le grand prix du forum Netexplo.

TF1-LCI, Marie Claire, Bloomberg, The Heather Channel, Reuter, The Telegraph, Forbes Magazine, le Daily Mirror et Getty News l’utilisent depuis plusieurs années.


https://www.wibbitz.com/fr/a-propos/



BLOOM AVEC LA START-UP FRANÇAISE HUGGING FACE


Pour ne pas laisser le monopole aux américains, la start-up française Hugging Face a mis au point une plateforme de partage spécialisée en IA. Bloom, son modèle de langue multilingue, a bénéficié de l’aide du CNRS avec la collaboration d’un millier de scientifiques dans le monde. Il fonctionne en open source. À la différence de GPT-4 qui se nourrit majoritairement de la culture anglophone, Bloom travaille avec 46 langues, dont le française une vingtaine de langues africaines.


OPEN AI LANCE GPT-4 


14 mars : si vous avez détesté ChatGPT, vous adorerez peut-être GPT-4, la nouvelle version de l’intelligence artificielle mise au point par OpenAI. Ses programmes se déclarent « aussi intelligents que les humains »…

Microsoft l’a déjà intégré à Bing, son moteur de recherche. Ce nouveau modèle de chatbot est équipé de la vision. 

Il comprend le texte mais aussi les images avec l’apport de Be My Eys, une autre start-up. Pour l’instant, seuls les utilisateurs de ChatGPT Plus, la version payante, et le million d’internautes de Bing vont tester GPT-4 sans les images dans un premier temps.


GOOGLE RÉAGIT AVEC BARD


21 mars : l’agent conversationnel Bard de Google a été lancé en accès public aux États-Unis et au Royaume-Uni pour tenter de contrer ChatGPT déjà intégré aux différents services de Microsoft. 



TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...