jeudi 23 février 2017

L'assistanat des aides de l'Etat

La presse écrite est " sous assistance respiratoire permanente" estimait Aldo Cardoso, auteur d'un rapport en 2010 sur les aides publiques à la presse. Les aides de l'Etat représentent 12 % des recettes, la presse nationale étant la mieux dotée. 

Le rapporteur conseillait au gouvernement de mettre un terme à ce système et de rendre ces aides "plus efficaces", en conditionnant leur octroi à la mise en place de "stratégie d'innovation et de maîtrise des coûts", à coups "d'indicateurs objectifs" comme le taux moyen de réabonnement, les résultats financiers ou les effectifs dans les rédactions et les imprimeries. 
Le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) comportait jusqu'en 2013 trois sections : une première consacrée aux projets de modernisation et de mutations industrielles ; une deuxième consacrée aux investissements des services de presse en ligne ; une troisième consacrée au développement du lectorat de la presse. Depuis 2014, il n'y a plus qu'une seule série de données annuelles. 
En 2016, les dispositifs du FSDP ont été réformés et a été instauré le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, couvrant notamment des bourses d’émergence, un programme d’aide aux incubateurs de presse et un dispositif de soutien à des programmes de recherche et de développement.


 Il faut distinguer les aides directes (à la diffusion ou au pluralisme) et les aides indirectes (fiscales et sociales).

Voir l'intégralité du rapport Cardoso


> L'EVOLUTION DES "AIDES"

2010 : 1,813 milliard 
- Aides à la presse écrite (diffusion, pluralisme, modernisation). Déficit supporté par La Poste : 399 M€
- Aides indirectes : 200 M€
- Allocation forfaitaire journalistes : 20 M€
Sous-total presse papier + en ligne : 1 055,9 M€
- Financement de l’audiovisuel : 497,9 M€
- Audiovisuel extérieur (RFI, France 24 et TV5 Monde) : 199,1 M€
- Soutien aux radios locales : 29 M€ Fonds de soutien à l'expression radiophonique
- Les chaînes Public Sénat + La Chaîne parlementaire : 31,6 M€
    2012 : 1,2 milliard d'aides directes (70 M€ d'aides au développement du portage, abonnements à l'AFP, 250 M€ aides versées pour la restructuration de Presstalis et indirectes (aides postales en avantages tarifaires, taux de TVA réduit à 2,1 % pour la presse papier, allocation forfaitaire journalistes.
    Le Monde et Le Figaro sont les mieux dotés, avec respectivement 18,6 et 18,2 M€ versés.
    Répartition par exemplaire diffusé (selon la Cour des comptes et par ordre décroissant) :
    L'Humanité: 48 c
    La Croix: 32 c
    Le Nouvel Obs: 29 c
    Libération: 27 c
    L'Express: 23 c
    Le Point: 20 c
    Le Monde: 19 c
    Le Figaro: 17 c
    Ouest-France: 6 c
    Le Parisien: 4 c
    Pour L’Huma et La Croix, ces chiffres incluent les "Fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires" destinés à soutenir les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial. 
    Ces deux journaux ne récoltant respectivement que 11,3 % et 7,3 % de leurs ressources par recettes publicitaires.

    A noter qu'en 2013, L'Humanité, à l'initiative du gouvernement, a bénéficié d'une annulation du capital et des intérêts d'un prêt de 4 086 710 euros contracté en mars 2002.

    2013 : 400 M€

    Le Figaro 15,2 M€ (15 c/exemplaire) - Aujourd'hui 14 M€ (26 c) - Le Monde 13 M€ (14 c) - La Croix 8,3 M€ (27 c) - Ouest-France 8,2 M (3 c) - Libération 7,9 M (27 c) - Télérama 7 M (24 c) - L'Huma 5,9 M (59 c) - L'Obs 5,2 M (21 c) - L'Express 4,9 M (20 c)

    2015 : 77,1 M€. Les 20 journaux les plus aidés
    Toutes aides confondues, Aujourd’hui en France, Libération, Le Figaro, Le Monde sont les premiers bénéficiaires (7,7 M€, 6,5 M€, 6,4 M€, 5,4 M€).
    Libération, La Croix et Ouest-France sont les premiers bénéficiaires de l’aide directe (de 5,1M€ à 4 M€).
    Rapporté au nombre d’exemplaires : l’Humanité (0,36€), Causette (0,24€) et Libération (0,23€).
    L’effort de l’Etat va en faveur des marchands de journaux. En 2017 exonération de la contribution économique territoriale (CET), soit 7,5 M€. Soutien à la modernisation des magasins et à leur informatisation renforcé dès 2017 pour 6 M€.
    La Croix : 4 405 474
    Ouest France : 4 094 071
    LHumanité : 3 590 875
    La Dépêche du Midi : 1 656 519
    Les Echos : 1 643 837
    Le Progrès : 1 609 400
    Le Parisien : 1 572 941
    LEquipe : 1 485 067
    Presse Océan : 1 341 811
    Le Dauphiné : 1 195 057
    LEst Républicain : 1 193 079
    La Haute Marne : 1 190 406
    Le JDD : 1 149 031
    Sud Ouest : 1 139 971
    La Voix du Nord : 1 030 775
    La République des Pyrénées : 1 000 805

    > L'AGENCE FRANCE PRESSE (AFP)

    L'Etat n'est pas actionnaire. 
    En effet, depuis une loi de 1957 son statut coopératif lui permet d'être indépendante de l'Etat, une majorité d'administrateurs (8 sur 15) étant composée d'éditeurs de presse. 
    En l'absence d'actionnaires, la loi exige seulement un équilibre de son budget.
    Jusqu'en 1991, l'Etat n'assurait plus que 50 % du chiffre d'affaires
    Ses bénéfices (par les abonnements vendus aux entreprises de presse) doivent normalement permettre d'assumer charges de fonctionnement et investissements.
    Au début des années 2000, l'AFP a été confrontée à des déficits liés à la crise économique, l'éclatement de la bulle internet et les 35 h. Une centaine d'emplois ont dû être supprimés et des "gros" clients ont déserté l'agence (Washington Post et le groupe suédois Metro).

    En 2008, la direction propose un projet de transformation en société par actions entre l'Etat et les salariés. Le gouvernement appuiera ce projet mais il sera bloqué par les syndicats après des grèves et des manifestations. Le projet enterré ressortira en 2011 avec un projet de loi déposé au Sénat, préconisant la diminution du nombre d'éditeurs de presse dans le conseil d'administration sans réduire la part de l'Etat. Une nouvelle grève surviendra contre le projet.
    En 2014, un projet vise à augmenter le nombre d'administrateurs (de 15 à 18, les représentants des salariés passant de 2 à 3).

    En 2015, le droit européen règlera le problème avec une participation financière supérieure de l'Etat devenue indispensable du fait de la crise de la presse française qui réduit le nombre d'abonnements et pèse ainsi sur le chiffre d'affaires de l'AFP.

    mercredi 25 janvier 2017

    Pour comprendre la lente agonie de la presse écrite !

    Quand s'arrêtera la descente aux enfers de la presse écrite française ? Erosion des ventes, publicité en berne, révolution numérique balbutiante... Les entreprises cherchent un nouveau modèle économique. Etat des lieux et perspectives d'avenir.


    > On assiste à un phénomène mondial. 
    2015 : la diffusion de la presse française 
    a baissé de 3,8 % par rapport à 2014
    Dans les pays industrialisés, la diffusion de la presse imprimée baisse : entre 2003 et 2007, - 5,18 % aux Etats-Unis, - 5,83 % en Europe, - 2,5 % au Japon. (*)
    " D'ici trois ou quatre ans, vous pourriez voir le modèle économique du journal imprimé ne plus être rentable " estime l'analyste Tom Hartman, de Standard and Poor's.
    Déjà, en 2010, un an avant sa mort, l'américain James Tyree, propriétaire du Chicago Sun Times limitait à " une décennie la durée de survie des journaux "Print", avant d'être remplacés par les journaux numériques ".
    2020... On y est presque !


    > La presse écrite s'engage timidement dans la révolution numérique qui bouleverse ses métiers et ses organisations. 

    Un virage générationnel qui reste lent faute d'investissements suffisants mais aussi à cause du conservatisme de la profession, longtemps réticente aux mutations technologiques. 
    Cette révolution n'a pas encore pris toute la mesure des nouveaux modes de transmission de l'information (applications pour smartphones, tablettes, interactivité des réseaux sociaux) et des nouvelles formes d'écriture (richmedia, webmagazines, TV Web etc.)

    > En France, cette crise structurelle est amplifiée par la crise économique qui amplifie le phénomène des concentrations et précarise la profession.
    Ces crises n'en finissent pas d'affaiblir la presse écrite qui révèle son incapacité à imaginer un nouveau modèle économique viable.

    > Dès les années soixante, la presse a été confrontée à la concentration des titres.  Un phénomène darwinien qui se poursuit car l
    es entreprises dépréciées, souvent à bout de souffle, sont rachetées par des groupes qui n'ont pas d'autre solution que d'incontournables mutualisations.

    Ainsi, on compte une dizaine de groupes de presse régionale. La concentration influe nécessairement sur le pluralisme.

    5 % des points de vente disparaissent chaque année (photo TN)
    > L'érosion des ventes et l'effondrement des recettes publicitaires ruinent les trésoreries.
    Une situation qui révèle la faiblesse majeure des entreprises : leur sous-capitalisation.
    Dans l'incapacité de procéder aux investissements indispensables à leur survie, leur modernisation et leur développement, la plupart des entreprises de presse se sont contentées de vivre dans l'assistanat des aides de l'Etat, sans craindre de nuire à leur indépendance financière et éditoriale.

    > L'avenir s'annonce sombre pour la presse écrite française aux mains de groupes avides de pouvoir, les déficits permettant aux holdings de bénéficier de substantiels avantages fiscaux.

    > Parce que le virage du digital s'engage enfin, d'importantes décisions affaiblissent  un peu plus la profession. Voici une liste non exhaustive des situations les plus tendues :


    SNIC Paris Normandie : le 15 mars 2017, on connaîtra le repreneur du groupe (le PDG Xavier Ellie semble tenir la corde au détriment du groupe Rossel). 

    La Voix du Nord : le plan social s'engage (55 journalistes supprimés).
    La Marseillaise a déposé le bilan fin novembre 2016 et son redressement judiciaire pour six mois se termine en mai.
    La Dépêche-Midi Libre : 350 emplois vont disparaître dans la mutualisation des deux groupes.
    SPIR Communication : 62 M€ de pertes. La filiale de Ouest-France a liquidé ses actifs. Dernier en date : Logic Immo cédé au groupe Springer.
    Nice-Matin : 100 emplois supprimés d'ici 2019 (ouverture d'un guichet de départ en avril prochain).
    La Nouvelle République du Centre-Ouest : les "petits actionnaires" n'ont toujours pas vendu leurs 25 % du capital.
    Sud Ouest : gestation d'un plan destiné à économiser 10 M€.
    SFR Media : courant mars, le groupe de Patrick Drahi annoncera l'avenir qu'il réserve à son pôle presse (Libération, L'Express, L'Expansion, L'Etudiant, NextRadioTV, i24news).
    Le Figaro filialise ses services généraux...
    Marianne a déposé le bilan et son redressement judiciaire se termine en juillet...

    La presse écrite française se meurt !


    Thierry Noël

    Journaliste honoraire (carte n° 38013)

    (*) Observatoire des métiers de la presse 2011 - groupe prospective animé par Jean-Marie Charon - Association mondiale des éditeurs de journaux)


    > 2016 : UNE CHUTE DES VENTES ABYSSALE


    La diffusion de la presse française accuse en 2015 une baisse de 3,8 % par rapport à 2014.

    COMMENT EN EST-ON ARRIVE LA ?


    > 2002 : LA PRESSE D'INFO GRATUITE S'INSTALLE



    > 2011 : DEUX QUOTIDIENS DISPARAISSENT 
    LA TRIBUNE ET FRANCE SOIR


    LA PRESSE ECRITE PEUT-ELLE ENCORE REBONDIR ?



    REPERES POUR COMPRENDRE 


    > LA CONCENTRATION DES 11 GROUPES REGIONAUX



    En achuré, les zones de concurrence entre les groupes régionaux (infographie Le Figaro)


    Les quotidiens régionaux et les principaux quotidiens départementaux 
    Les principaux quotidiens régionaux français


    > QUI POSSEDE QUOI ? 

    Infographie Le Monde Diplomatique - ACRIMED mars 2017

    TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

    Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...