mardi 16 novembre 2021

Philippe Hersant : ESH pour oublier GHM

Philippe Hersant (capture d'écran ESHMédias)


Dix ans après la mort de Robert Hersant (1920-1996), son fils cadet Philippe Hersant lança GHM (Groupe Hersant Média) pour liquider les beaux restes de France-Antilles. 

Né en 1957, ancien élève de l'école des Roches à Verneuil-sur-Avre (Eure), Philippe Hersant s'est formé à l'école de France-Antilles et de France-Soir.

Le fils cadet de celui que l'on surnommait "Le Papivore" préside depuis le début des années 2000 la société Éditions Suisses Holding (ESH Médias). 

Une entreprise lancée après avoir engagé la délicate succession de la branche France-Antilles du groupe familial. 

Exilé fiscal depuis 2003, l'air de Genève est assurément plus respirable que celui de Paris où il a vécu les pires heures après la mort de son père Robert Hersant : cession de la Socpresse au groupe Dassault en 2004, dépôt de bilan et liquidation de la Comareg et des gratuits ParuVendu en novembre 2011, pression des banques pour céder L'Union de Reims, Paris-Normandie, L'Ardennais, L'Est-Éclair, Libération-Champagne et L'Aisne Nouvelle... 

En Suisse romande, il a su appliquer les bonnes recettes pour ne pas retomber dans les erreurs du passé : mutualisation des moyens et diversification des activités (quotidiens, hebdos, impression, sociétés de distribution et affichage). (1)


La nouvelle aventure du groupe ESH Médias débuta en 2001 avec des quotidiens très implantés localement : La Côte à Nyon, où il prend une participation majoritaire dans le groupe Filanosa, puis dans la Société neuchâteloise de presse (L’Express de Neuchâtel et L'Impartial)

En 2010, ce sera le quotidien du Valais Le Nouvelliste à Sion, du groupe Rhône Média. Les autres titres sont ArcInfo, ArcHebdo, La Côte Hebdo, Le Journal de Cossonay, Le Journal de Sierre et La Gazette de Martigny.

En 2011, il créé l'ARP (Agence romande de presse) qui fournit toutes les informations générales nécessaires à l'ensemble des titres.


Philippe Hersant est épaulé par Stéphane Estival. Cet ancien responsable des activités outre-mer de GHM pendant dix ans est son DG depuis 2014. En juin 2021, il est devenu le président des éditeurs romands. 

Le fils Sébastien Hersant, est directeur de la transformation digitale depuis 2018 et directeur général adjoint depuis avril 2021. Diplômé d'une école de commerce à Angers et d'un master en management des médias, il a débuté comme responsable du pôle numérique à Nice-Matin en 2012, après des passages à L'Union et au Monde.


En 2004, Philippe Hersant a investi à hauteur de 34 % dans l’opérateur de télévisions Antennes locales à Grenoble, Nîmes, Troyes, Caen, Paris. Également actionnaire de TV8 Mont-Blanc, Antilles-Télévision, seuls Télé Grenoble Isère et Canal 32 à Troyes ont été conservés. Avec ESH Médias il est actionnaire de TV Léman Bleu, TVM3 et Radio Rhône SA.


Fusions et investissements


Avec la chute des recettes publicitaires, ESH a dû recourir à des économies d'échelle. 

En janvier 2018, L'Express et L'Impartial fusionnent après plusieurs années de rédaction commune. 

En 2019, ESH Médias inaugure son nouveau centre d'impression à Monthey où tous les titres du groupe sont désormais imprimés. Le papier représente encore 90 % de l'activité médias, pour 10 % de lecteurs digitaux. (2)

Un investissement de 20 millions de francs suisses, indispensable pour limiter les pertes dans un contexte de grande fragilité pour la presse suisse ces dernières années, accrue par la pandémie du Covid : en 2018, le groupe Tamedia a arrêté la version papier du Matin de Lausanne après la fusion des rédactions du Matin et de 20 MinutesDéjà en 2017, Le Temps avait du licencier et le groupe Ringier Axel Springer a fermé L'Hebdo après 35 ans d'existence.



(1) En mars 2021, FrappeCom Suisse SA a été intégrée au groupe ESH Médias qui en détient 100 % du capital-actions. Un élément important dans la perspective d'un contrat d'affichage du Valais remporté par sa filiale Horizon!. FrappeCom Suisse est la seule entreprise à proposer un réseau routier de panneaux digitaux en Suisse Romande.

(2) Interview de S. Estival au Temps : "Nous ne croyons pas à une disparition du papier" (3/2/2019)

(3) Enquête des Échos : La chute de la maison Hersant, par Anne Feitz (3/7/2012) 



CHRONOLOGIE 


Août 2007 : GHM achète La Provencepour 160 M€ au groupe Lagardère avec le gratuit  Marseille-Plus mais aussi Nice-Matin, Var Matin et Corse-Matin (titres détenus depuis 1999 par Lagardère). La dette bancaire de GHM est alors de plus de 200 M€. Les actionnaires familiaux apporteront 80 M€ sous forme d'obligations mais dans l’incapacité de rembourser l’emprunt contracté pour acheter ces nouveaux titres, GHM devra procéder à la cession d'actifs, conservant provisoirement Antilles-Guyane Médias (jusqu’en 2017).

2008 : lors de l'acquisition de la Comareg pour 135 M€ en 2003, l'endettement ne semblait pas risqué compte tenu du potentiel mais c'était sans compter sur l'effondrement du marché publicitaire qui, en 2008, frappa de plein fouet la presse gratuite d'annonces concurrencée par les sites spécialisés (Le Bon Coin, Se Loger). 

2011 : En novembre, la liquidation judiciaire de la Comareg entraînera le plus gros plan social de l'année. GHM aurait-il pu investir davantage dans le numérique ? 

Interrogé par Les Échos en juillet 2012, Philippe Hersant, donne sa version de cet échec cuisant : « On nous a reproché d'avoir retardé le passage à la gratuité des petites annonces. Mais elle représentaient encore 60 M€ de chiffre d'affaires en 2009 : il était impossible alors de décider de se couper un bras. D'autant que cette évolution aurait aussi conduit à de lourdes réorganisations » (...) « Nous avons investi 49 M€ dans le numérique entre 2007 et 2011, par exemple dans une plate-forme commune utilisée par nos titres pour leurs sites Internet. Nous avons aussi engagé des plans de modernisation, mais uniquement par des pré-retraites. Nous n'avons jamais pu, en raison de l'opposition de la Filpac-CGT, aller au delà, même depuis 2008 pour faire face à la crise ». (3)

2012 : en moins de trois ans, le chiffre d'affaires de GHM est en baisse de 300 M€ soit 30 % de moins qu'en 2007. GHM est en danger

Après avoir négocié des mois avec Rossel, un accord prévoyait de regrouper des titres dans une société commune pour arriver à un équilibre mais le refus de la CGT d'accepter le plan de restructuration prévu à L'Union entraîna le renoncement du groupe belge en juillet 2012. En février, Paris-Normandie sera mis en redressement judiciaire.

Par ailleurs, les banques créancières réclamaient 215 M€. La liquidation judiciaire du groupe sera évitée, GHM apportant la moitié d’une augmentation de capital de 48 M€ pour restructurer La Provence en difficulté. L’autre moitié provient de son associé Bernard Tapie à qui l’on prête alors l’intention de briguer la mairie de Marseille aux municipales de 2014. 

2013 : en janvier, l’offre acceptée par les banques, le tribunal de commerce de Paris confirme la reprise par Bernard Tapie pour 51 M€, les banques abandonnant 75 % de 165 M€ de créances. 

En juillet, GHM annonce la cession complète de La Provence à GBT (Groupe Bernard Tapie). 

2015 : le belge Nethys entre au capital (11 %) mais cette participation sera cédée en 2019 à Xavier Niel qui dans le même temps rachète les 34 % de Nethys dans Nice-Matin. 

Avec une prévision de pertes de 7 M€, Tapie décide en 2020 de céder 89 % de ses parts restantes pour régler ses dettes. Son décès en octobre 2021 a redistribué les cartes dans une bataille juridique entre le patron de Free et Rodolphe Saadé, patron de CMA-CGM (leader mondial du transport maritime) pour prendre le contrôle du groupe régional. 




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