jeudi 13 janvier 2022

EN BREF

LES CABINETS DE CONSEIL À L'INDEX


17 mars 2022 : la Commission d’enquête du Sénat sur les cabinets de conseil publie un rapport explosif dénonçant le recours régulier de l’État aux cabinets de conseil. Principalement épinglé, le cabinet McKinsey qui, selon le Sénat, n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020. Le rapport pointe que les dépenses de conseil des ministères sont passées de 379,1 M€ en 2018 à 893,9 M€ en 2021. Le rapport évoque aussi deux mesures d’aides de l’État dont la gestion a été entièrement déléguée par le ministère de la Culture au cabinet conseil Deloitte : l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse, et l’aide financière aux journalistes pigistes. Le rapport de la commission s’étonne du choix de ce cabinet pour une mission en lien avec le versement de subventions. 


OLIVIER DUBOIS : UNE PREUVE DE VIE 


14 mars 2022 : les proches du journaliste Olivier Dubois, otage au Mali, ont obtenu une preuve de vie, grâce à une vidéo non datée d’un peu plus d’une minute, diffusée sur les réseaux sociaux. Enlevé à Gao depuis le 8 avril 2021, par un groupe djihadiste, il demande au gouvernement français « de continuer à faire son possible pour oeuvrer à ma libération. Je suis conscient que mon cas est une petite chose face aux événements auxquels il doit faire face. Mais hier comme aujourd’hui, je continue à garder espoir ». Olivier Dubois, 48 ans, est correspondant au Mali pour Le Point et Libération. Il vit à Bamako avec sa famille depuis 2015. Après une première vidéo du 4 mai 2021, le ministre des Affaires étrangères confirmait son enlèvement le 23 mai. 


DROITS VOISINS : ACCORD SIGNÉ 


3 mars 2022 : après plusieurs mois de négociations, l’Apig (Alliance de la presse d’information générale) qui regroupe près de 300 titres de presse nationale, régionale et locale, et Google annoncent un accord pour la rémunération des contenus indexés, au titre de la loi française. La négociation avait été engagée en septembre dernier. L’accord fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance. Suite aux injonctions de l’autorité de la concurrence, faites en juillet dernier, les accords couvriront les droits voisins consacrés uniquement à Google News Showcase, le nouveau programme de licence de publications de presse lancé récemment par le moteur de recherche. La rémunération prévue entre chaque éditeur de presse et Google est basée sur des critères tels que, par exemple, la contribution à l’information politique et générale, le volume quotidien de publications ou encore l’audience Internet mensuelle. 


L’ENQUÊTE « SUISSE SECRETS » ET LA LIBERTÉ DE LA PRESSE 


20 février 2022 : l’enquête internationale « Suisse Secrets » sur le Crédit Suisse, relayée par 47 médias internationaux, est basée sur la fuite d’informations issues de plus de 18 000 comptes bancaires des années 40 aux années 2010. Elle a révélé la présence de dictateurs et de criminels parmi la clientèle de la banque. Aucun média suisse n’a participé à l’enquête, par peur des répercussions judiciaires. La loi bancaire de 2015 menace de cinq ans de prison les journalistes qui exploitent des fuites de données bancaires. Le groupe Tamedia, éditeur des quotidiens 24 heures, Tribune de Genève et Le Matin, a dû renoncer à participer à l’enquête en raison du risque juridique. Les dirigeants du Monde, de la Süddeutsche Zeitung, du Guardian et du consortium d’investigation OCCRP (pour Organized Crime and Corruption Reporting Project – « Projet de rapport sur le crime organisé et la corruption ») ont quant à eux lancé un appel à la liberté de la presse, pour mettre en garde contre une éventuelle application de cette loi à leurs journalistes. Reporters sans Frontière dénonce un régime juridique « inacceptable » et « indigne d’une démocratie respectueuse de la liberté d’informer ». 


SILHOUETTE : NOUVEAU TRIMESTRIEL


17 février : le groupe Aedon (« La Septième Obsession ») lance le nouveau magazine luxe et féminin : « Silhouette ».

Sur près de 300 pages, le trimestriel invite « l’esprit et l’art de vivre français ».

Dirigé par Thomas Aïdan, président d’Aedon, il sera épaulé par Nicolas Tellop, rédacteur en chef adjoint de « La Septième Obsession ». La commercialisation est assurée par Feel Good Media. Tirage du 1er numéro : 120 000 exemplaires.


NOUVELLE VAGUE D'AIDES AUX PIGISTES


Février 2022 : la crise sanitaire a conduit le gouvernement, fin 2021, à créer une aide financière pour soutenir les journalistes pigistes les plus durement touchés.

Dotée de 29,5 M€ sur 2 ans, elle est destinée aux pigistes ayant subi une diminution de leur activité.

Depuis le 1er février 2022, une nouvelle campagne est lancée et la plateforme en ligne aide-pigistes-covid.fr rouvre jusqu’au 15 mars. Elle permet d’instruire les dossiers des pigistes déclarés inéligibles lors de la première campagne qui s’est déroulée entre le 30 septembre et le 15 novembre 2021 (sur 1.107 dossiers déposés, 594 pigistes bénéficient de l’aide) et qui ont pourtant subi des pertes de piges entre 2019 et 2020.

Une seconde campagne sera lancée en mai pour les pertes de revenus de piges en 2021, par rapport à 2019.


AIDES À LA PRESSE : CONDITIONS D’ACCÈS RENFORCÉES


Suite aux recommandations d'un rapport commandé fin 2020, le décret du 21 décembre 2021 du ministère de la Culture, renforce les conditions d’accès aux aides à la presse, fiscales et postales. 

Jusque-là, les critères d’éligibilité ne comportaient pas d’exigence relative à la présence de journalistes au sein des rédactions. Désormais, les journaux et la presse en ligne devront présenter « un contenu original composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, réalisé par une équipe rédactionnelle composée de journalistes professionnels au sens de l'article L. 7111-3 du code du travail ». Ils doivent tirer l’essentiel de leurs revenus d’une activité rémunérée par un ou plusieurs médias.

Sont visés par cette mesure des titres qui feraient appel à des contenus non journalistiques, des pigistes « chargés de contenus », non salariés, acceptant un statut d'auto-entrepreneur, en violation de la loi Cressard.



CAROLINE FOUREST MISE EN CAUSE 


24 janvier 2022 : la Société des rédacteurs de l’hebdomadaire Marianne (SRM) demande le départ de Caroline Fourest. (photo ci-contre avec T. Nlend)

Dans un communiqué la SRM souligne « qu’il est hautement problématique qu’une chroniqueuse de Marianne et membre du conseil de surveillance (Ndlr : du groupe CMI qui édite le titre) fasse pression, accable et attaque un des journalistes de sa propre rédaction ».


C. Fourest aurait fait pression sur Gabriel Libert, rédacteur en chef adjoint, afin qu’il ne publie pas une enquête au sujet de Thomas NLend, finalement publiée en juillet 2020. 

Nlend est l’auteur du livre « Les Bouffons de la haine » (Grasset), paru le 12 janvier. Caroline Fourest a signé la préface et assure sa promotion. 

Proche de l’idéologue Alain Soral, il prétend avoir infiltré le mouvement d’extrême-droite Égalité & Réconciliation entre 2011 et 2014. Caroline Fourest avait mis en relation le journaliste avec un indicateur de police pour crédibiliser le récit de l’auteur. Cet indicateur, Noël Dubus, est considéré par la SRM comme « un barbouze et escroc notoire », impliqué dans plusieurs affaires politico-financières (Tron et Takieddine). 

Nlend a porté plainte pour diffamation et harcèlement moral contre Marianne, et deux producteurs de cinéma qui s’estiment avoir été escroqués, suite au versement d’une avance de 500.000 € pour un scénario de film sans avoir l’intention de le mener à bien.

Dans une mise au point, Caroline Fourest annonce se retirer du conseil de surveillance de CMI. Elle estime subir de la part de G. Libert « des manoeuvres qui relèvent du harcèlement moral » et elle regrette que la « société des rédacteurs se soit laissée instrumentaliser ».

CMI, dans un communiqué du 29 janvier, a pris acte de sa décision, rappelle qu'il « est absolument contraire à ses principes d'intervenir sur les contenus des publications du groupe, et renouvelle sa confiance à Caroline Fourest »


Le 2 février, Caroline Fourest annonce sur Facebook qu' « après sept ans de chroniques à Marianne, je reprends ma liberté et souhaite me consacrer pleinement à ce journal que j'aime (Ndlr : Franc-Tireur) ». 


Polémiste, journaliste et réalisatrice, elle fonde en 1997 la revue ProChoix pour « défendre les libertés individuelles contre toute idéologie dogmatique, liberticide, essentialiste, raciste ou intégriste ». Ses cibles favorites sont l’extrême droite, l’intégrisme chrétien, le péril islamiste, le conspirationnisme. Elle collaborait à Marianne depuis 2016 et depuis son lancement en novembre 2021 à l’hebdo Franc Tireur, également propriété du groupe CMI.



BAROMÈTRE DES MÉDIAS LA CROIX-KANTAR : 

TOUJOURS LA DÉFIANCE 


20 janvier : selon le 35e Baromètre de confiance dans les médias La Croix-Kantar, la radio voit seulement 49 % des Français lui accorder de la crédibilité, le score le plus bas depuis 1987. En un an, elle perd 3 points de confiance quand la presse écrite en gagne 1. Avec 44 % la télévision gagne 2 points de confiance et c’est par elle que 48 % des Français s’informent en premier.

Seulement 24 % font confiance à internet (en baisse de 4 points) alors qu’ils étaient 39 % en 2015. Pour trois Français sur dix (32 %) internet reste la première source d’information, la radio perd 7 points de crédit depuis 2017 à 13 %, et la presse écrite n’est plus qu’à 6 %.

Sans surprise les plus jeunes (66 % des moins de 35 ans) s’informent sur internet (en priorité sur smartphone), un quart par la télé, 6 % par la radio et 2 % par la presse.

Chez les plus de 35 ans, la télé est préférée par 55 %, devant internet (20 %), la radio (16 %) et les journaux (7 %).

Six français sur dix estiment que les médias et les journalistes ne sont pas indépendants mais une large majorité de Français (77 %) se dit attachée à la liberté de la presse et 96 % attendent des infos fiables et vérifiées, indépendants du pouvoir politique et des intérêts économiques. 


DENIS CLERC RECONNAIT UNE "FAUTE IMPARDONNABLE"


12 janvier : Denis Clerc, fondateur en 1980 d'Alternatives Économiques a décidé de suspendre sa chronique mensuelle, estimant avoir commis "une faute impardonnable".

À propos d'une vente aux enchères viticole des Hospices de Beaune qui rapporta 800.000 €, il a mal interprété le résultat reversé à parts égales à l'Institut Curie et à Solidarité-Femmes. Il a également omis de mentionner un don supplémentaire de 5.774 € fait à chacun des deux organismes. Cette erreur, dit l'éditorialiste, il aurait pu l'éviter en vérifiant ses sources avec un simple appel téléphonique à la directrice de Solidarité Femmes qu'il connaissait. 

  

DÉONTOLOGIE : ANNA CABANA DANS LA TOURMENTE D'IBIZA


Janvier 2022 : l’animation d’un débat, sur la chaîne i24News, par la journaliste Anna Cabana, dans son émission quotidienne Conversations, constitue-t-elle une entorse à la déontologie journalistique ? 

Le débat était consacré à la polémique sur les annonces du ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, faites depuis son lieu de vacances à Ibiza. Or, il se trouve que le ministre est aussi son époux (leur mariage a été célébré à la mi-janvier dans l’intimité). 

« J’anime une émission d’actualité. Cela aurait été surréaliste de ne pas parler de la crise politique du jour. […] Si je ne l’avais pas fait, on me l’aurait reproché. J’ai fait mon travail de journaliste de manière honnête […] J'ai tâché d'être la plus irréprochable dans ma façon de traiter l'actualité. Qu'est-ce qu'on veut ? Que j'arrête de travailler parce que je suis en couple avec un ministre ? » a déclaré celle qui partage la vie du ministre depuis deux ans. À aucun moment, Mme Blanquer n’a estimé nécessaire de préciser sa situation matrimoniale.


Née en 1979 à Montpellier, Anna Cabana a débuté sa carrière de journaliste politique en 2002 à Marianne avant de devenir grand reporter au Point de 2007 à 2010. Après des billets sur France Inter, et des éditoriaux sur BFM TV depuis 2013,  elle devient en 2016 rédactrice en chef politique au JDD, deux fonctions qu’elle dit avoir abandonné en 2020 du fait de sa relation.

Par le passé, nombre de mariages médiatico-politiques ont déjà soulevé la question du conflit d’intérêt et de la difficulté d’exercer le métier : Anne Sinclair (DSK), Christine Ockrent (Bernard Kouchner), Béatrice Schönberg (Jean-Louis Borloo), Léa Salamé (Raphaël Glucksmann), Isabelle Saporta (Yannick Jadot). 


PUBLIC SÉNAT :  LICENCIEMENT DE LA RESPONSABLE DES DOCUMENTAIRES


Janvier : Hélène Risser, rédactrice en chef, responsable des documentaires sur Public Sénat depuis 2009, a été licenciée suite à un litige dans la préparation du documentaire René Carmille, un hacker sous l’Occupation qui l’opposait au PDG de la chaîne Christophe Baldelli.  Il demandait la suppression de 2 mn du film qui, selon lui, étaient susceptibles d’exposer la chaîne à une accusation de complicité de révisionnisme. Un point de vue contesté par la journaliste. Avec le départ d’Hélène Risser, l’émission Hashtag, anciennement « Déshabillons-les », consacrée au décryptage des stratégies de communication des politiques, disparaît de l’antenne. 





NAISSANCE DE « DE FACTO » CONTRE LA DÉSINFORMATION


Un collectif de chercheurs, journalistes et spécialistes de l’éducation aux médias ont lancé la plate-forme « De facto » qui veut lutter contre la désinformation et les fausses informations.

L’initiative, née d’un appel à projets de la Commission européenne à l’échelle de 15 pays est portée par Sciences Po, l’AFP et le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information). L’AFP va coordonner la publication de « factchecks » provenant de sa rédaction mais aussi de Libération, Radio France, 20 Minutes et Les Surligneurs. Des sites pédagogiques seront aussi mis à disposition pour expliquer comment l’info est falsifiée et comment elle peut être vérifiée.



LES AIDES A LA FILIÈRE PRESSE 


La filière presse, particulièrement fragilisée par les crises sanitaire et de la distribution, des mesures d’urgence ont été annoncées à la fin de l’été 2020 pour 106 M€.

L’État engage également un « plan de filière » doté de 377 M€ sur deux ans pour accompagner les transitions écologiques et numériques du secteur. Un soutien à l’investissement est privilégié : les crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse seront fortement augmentés pour un total de 50 M€ et un plan de transformation des imprimeries sera mis en place à hauteur de 18 M€ par an sur deux ans (prévu pour 70 M€ sur cinq ans il a été réduit mais sera renégocié à l’été 2021).

Pour défendre le pluralisme de la presse, il a été décidé d’instaurer un crédit d’impôt pour les abonnements à la presse d’information politique et générale (pour un coût annuel de 60 M€ pour les finances publiques) et de créer deux nouvelles aides au pluralisme pour les services de presse en ligne et les titres ultramarins.

Ces aides exceptionnelles s’ajoutent aux 847 M€ annuels de subventions d’aides à la presse.

La loi de finances 2021 prévoit au titre des aides en faveur du pluralisme, une enveloppe dédiée de 4 M€, qui pour la première fois permet aux « pure players » payants d’être éligibles à ces subventions. 


HAUSSE DU PRIX DU PAPIER


L’APIG (Alliance de la presse d’information générale) qui regroupe 289 titres de la presse française a saisi le Premier ministre à propos de l’inquiétante hausse (de 10 à 15 %) du prix du papier. Au 1er janvier 2022, la hausse sera de 40 % par rapport à juillet 2021.

Les éditeurs de presse n’auront pas d’autre solution que de répercuter ces hausses sur le prix des journaux et d’accélérer le transfert de la presse papier vers le numérique.

Ces hausses sont liées à la pandémie du Covid qui a entraîné la réduction de la production des usines papetières. 



 

TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...