samedi 2 avril 2022

LE SÉNAT ET LA CONCENTRATION DES MÉDIAS : 32 PROPOSITIONS POUR MODERNISER DES RÈGLES OBSOLÈTES

Après cinq mois de travaux et d'auditions, la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias a rendu son rapport le 31 mars


Roselyne Bachelot, auditionnée le 23 février (photo Public Sénat)

Cette commission, créée à l'instigation du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain était présidée par le centriste Laurent Lafon, président de la commission, avec le socialiste David Assouline, comme rapporteur. 

Les travaux de la commission vont maintenant rentrer dans le vif d’un sujet placé littéralement au cœur de l’actualité avec le projet de fusion entre TF1 et M6, mais également l’accélération du rapprochement entre Vivendi et Lagardère. La diversité des personnes entendues doit permettre de poser les enjeux, d’identifier les risques et, au-delà, de se projeter dans des propositions d’évolution de la législation" annonçait Laurent Lafon en novembre 2021.

Cinq mois plus tard, dans un rapport de 381 pages, à l'issue de 48 auditions publiques, la commission appelle à moderniser des règles "obsolètes", "une nécessité absolue dans un monde menacé par la désinformation". 

Tous les grands acteurs du secteur ont prêté serment : les grands patrons industriels, propriétaires de médias comme Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Patrick Drahi, Xavier Niel, Arnaud Lagardère, Jean-Michel Baylet, Matthieu Pigasse, Nicolas Beytout. Les présidents de chaînes : Gilles Pélisson (TF1), Nicolas de Tavernost (M6), Maxime Saada (Canal +), Delphine Ernotte (France Télévisions). Les "grands" de la presse quotidienne :  Philippe Carli (EBRA), Louis Echelard (Ouest-France), Pierre Louette (L'APIG), ceux de la presse magazine et autres médias indépendants ; Roselyne Bachelotministre de la Culture, Bruno Lemaire, ministre de l'économie et des finances, sans oublier les syndicats.

Les sénateurs émettent 32 propositions pour mieux réguler le paysage médiatique. Ils réclament notamment le renforcement de l'indépendance et l'éthique au sein des médias par le biais d'un dispositif incluant un administrateur indépendant, l'Arcom (ex-CSA), régulateur de l'audiovisuel et du numérique, et des comités d'éthiques. 

Autre proposition : un grand débat cette année au Parlement où le gouvernement viendrait présenter ses conclusions pour réformer la loi relative à la liberté de communication de 1986, votée alors que les géants d'internet n'existaient pas. 

Les sénateurs proposent aussi de "réviser les conditions d'octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés". 

Le diagnostic de la commission constate que le phénomène de concentration des médias est présent dans de nombreux pays démocratiques, avec des législations en évolution. Des concentrations accélérées par les évolutions technologiques qualifiées de "bouleversements" depuis la progression fulgurante des réseaux sociaux. 

La fragilisation des sources traditionnelles d'information, les nouveaux modes de lecture (applications, sites, smartphones, streaming, plateformes) ont détourné les donneurs d'ordre publicitaires, mettant en danger les médias traditionnels.

> Lire aussi : l'essentiel du rapport (site du Sénat)

19 janvier 2022 : parmi les nombreux "propriétaires et actionnaires" de médias, la commission a auditionné Vincent Bolloré (photo ci-contre, Sénat)
Face à l’inquiétude suscitée par l’influence grandissante du groupe Vivendi (prise de contrôle des groupes Lagardère et Prisma, Canal+, Havas, Editis et potentiellement Hachette), il a expliqué que Vivendi, considéré comme un géant français des médias était en réalité « un petit nain face au danger que constituent les Gafam pour la culture française » dont il se veut un défenseur. 

Il a affirmé « ne jamais faire de politique » en rappelant qu’Éric Zemmour, très présent sur CNews, intervenait par le passé sur des chaînes concurrentes (notamment Paris Première du groupe M6). 

Ses détracteurs dénoncent notamment CNews qui serait devenue le porte-voix de ses opinions conservatrices.

D’ailleurs, un collectif baptisé « Stop Bolloré », composé de syndicats, associations, médias et personnalités de gauche, a lancé un appel pour dénoncer la constitution par le milliardaire d’un « empire médiatique tentaculaire » accusé de servir une « idéologie réactionnaire ».

Mi-décembre, Le Monde avait publié une tribune signée par 250 professionnels de la presse, de la télé et de la radio. Ils dénonçaient « la menace que représente le regroupement de nombreux médias entre les mains de quelques milliardaires ». Étaient cités Bolloré, Arnault, Drahi, Niel, Kretinsky. 


Six moments à retenir de l'audition de Vincent Bolloré (France Info 20/1/2022)


> Toutes les auditions sénatoriales en vidéos 

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