SOS PQR !
2 décembre : depuis la pandémie du Covid, la presse locale survit !
Inexorablement la tendance s’installe : au fil des mois, la presse quotidienne régionale (PQR) - certifiée par l’Alliance pour les chiffres dans la presse et les médias (ACPM) - enregistre des baisses inquiétantes de diffusion dans un contexte globalement négatif pour la presse écrite ( - 4,6 % en 2023).
Un constat inquiétant pour la PQR dont la plupart des titres célèbrent en 2024 leurs 80 ans. Ils représentent 37 % de la diffusion totale, suivie par les magazines 36 %, la presse quotidienne nationale 17 %, la presse du 7e jour 5 %, la PHR (presse hebdomadaire régionale) 2 % et la presse professionnelle 1 %.
> Une dizaine de titres sont fortement impactés
- Corse Matin - 8,8 % Le Courrier Picard - 8,65 % Sud Ouest - 8 %
- La Provence - 7,93 % Paris Normandie - 7,6 % La Dépêche du Midi - 7,24 %
- La Voix du Nord - 7,14 % Presse-Océan - 6,96 %
- L’Aisne nouvelle - 6,07 % L’Yonne républicaine - 6,02 %
> Plusieurs titres de la PHR affichent des pertes supérieures à 10 % de leur diffusion :
La République de Seine-et-Marne - 11,23 % Le Réveil de Neufchâtel - 10,48 % Le Perche - 15,45 % L’Éclaireur Châteaubriant - 13,84 % L’Indépendant du Pas-de-Calais - 11,6 % Oise Hebdo - 10,26 %
EBRA : comment sortir du rouge ?
7 novembre : 17 M€ de déficit en 2023, des prévisions qui ne s’annoncent guère meilleures pour 2024… Ce bilan alarmant a été révélé par Philippe Carli, PDG de Groupe EBRA (*), lors de la réunion du comité de groupe tenue à Paris : « Nous ne pouvons pas continuer à ce rythme avec des ventes de journaux en chute de 8 % par an. Sinon en 2027 nous allons terminer dans une situation que nous n’avons pas du tout envie de connaître ». La baisse de la diffusion est la cause n°1 de ces résultats qui laissent augurer une situation délicate en dépit de plusieurs recapitalisations du Crédit Mutuel, actionnaire à 100 % depuis 2009.
Malgré 10 % de croissance, le digital est loin de compenser les pertes alors que la vente des journaux représente encore 90 % du chiffre d’affaires.
Révision du plan stratégique 2024-2027 d’ici mars
EBRA se donne 24 mois pour revenir à l’équilibre financier en 2027. Pour Philippe Carli « la chute continue des revenus historiques d’Ebra impose des changements structurels pour assurer la pérennité du groupe ». Il préconise « la mise en œuvre rapide » de la révision du plan stratégique 2024-2027 : les remèdes préconisés sont la mutualisation, un plan de transformation des métiers et un programme d’économies. Une présentation plus précise de ce plan est prévue en mars 2025.
(*) EBRA compte neuf titres régionaux : Les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), L’Est républicain, L’Alsace, Le Républicain lorrain, Vosges Matin, Le Dauphiné libéré, Le Progrès, Le Bien public, Le Journal de Saône-et-Loire.
Pour mémoire, en octobre dernier, des tensions étaient apparues lors de la mise en place de la charte de bonne conduite sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, la direction ayant décidé de recourir à ChatGPT pour la réécriture des dépêches AFP. Une première expérience avait été lancée dans une locale de L’Est républicain pour le traitement de la copie des correspondants locaux. Le bilan était mitigé.
ANALYSE
Un modèle économique en panne
Contrairement à la PQN, qui a su très tôt entamer sa transformation numérique, la PQR est en retard et le « digital first » ne compense pas les pertes du « print » dans un paysage où les charges augmentent (papier, énergie, contraintes environnementales).
Les raisons sont structurelles : une population vieillissante qui reste attachée au papier, la disparition progressive des lieux de vente dans les villes, une démographie chancelante dans les secteurs ruraux désertifiés.
Le modèle économique de la presse ne fonctionne plus.
Basé sur le triptyque - diffusion, publicité, diversification - il a atteint ses limites : depuis 2006, les recettes publicitaires de la presse papier ont été divisées par trois, siphonnées par les plateformes numériques. Le coup de grâce a été donné par les confinements de 2020 et 2021 durant la pandémie du Covid.
Les coûts de production (papier, énergie, inflation) ont augmenté et tous les titres ont dû relever leur prix au risque d’atteindre un seuil psychologique dans un lectorat qui ne considère plus le journal comme « indispensable ».
Pour économiser le papier, des éditions ont été supprimées et le format des journaux réduit. Les rotatives modernisées à grands frais avec l’aide de l’État ces dernières décennies, voient les tirages baisser, entraînant un amortissement plus lourd.> Une course de fond pour redresser la barre
Les groupes de presse ne sont pas restés inactifs pour enrayer la situation :
- accélération du virage digital (la diffusion numérique a progressé de 16,8 % en 2023)
- stratégies rédactionnelles offensives, nouveaux canaux de diffusion via les réseaux sociaux, synergies avec les filiales radio-télé
- mutualisation, fermetures d’agences locales, recapitalisations, cessions
Lorsque les chiffres comptables s’affolent, des plans sociaux sont engagés.
Sur 51 titres de PQR, une douzaine ont annoncé des « plans » en 2023 et 2024 : « stratégiques » ou de « modernisation » - de doux euphémismes pour ne pas dire PSE - avec priorité donnée aux départs volontaires pour alléger la masse salariale, sans oublier de budgéter les clauses de cession (70 à La Provence).
En 2024 :
EBRA : lourd déficit (lire plus haut)
Sud Ouest : PSE en mars (118 postes supprimés, dont 25 à la rédaction)
Centre France : 70 départs volontaires
La Dépêche du Midi : remise en cause des accords d’entreprise
Début novembre, La Tribune Républicaine de Bellegarde (hebdo du groupe Messager Rossel-La Voix) cesse de paraître après 125 ans.
Fanny de Larue, directrice du titre explique sa décision : « Depuis plusieurs années, le titre n’est plus rentable. On a mutualisé toutes les charges possibles pour préserver le titre (…) moins de 10 % des abonnés sont 100 % numériques (…) on a fait croire aux gens que l’information était gratuite »
Les Nouvelles Calédoniennes : liquidation judiciaire
Le Quotidien de la Réunion : liquidation judiciaire et reprise par Media Capital Réunion
Le Journal de l’Île de la Réunion (JIR) et le site clicanoo.re : liquidation fin juillet. 80 salariés au chômage
20 Minutes (journal gratuit de Rossel-SIPA Ouest-France) : suppression de l’édition papier en septembre et suppression de 56 postes.
En 2023 :
La Voix du Nord : 105 emplois supprimés dont 48 journalistes, 50 postes créés. Réduction des éditions de 17 à 13 (purge à Calais, Lille, Roubaix-Tourcoing). Une réplique du plan de 2017 (132 départs volontaires).
Le Dauphiné Libéré : 20 départs volontaires, 9 postes supprimés à Vaucluse Matin
Progrès, Journal de Saône-et-Loire, Bien Public : 12 postes supprimés (9 journalistes)
La Provence : 30 postes supprimés
Midi Libre : départs volontaires (45 salariés dont 26 journalistes) fin 2022
La Nouvelle République : 107 postes supprimés depuis 2018 (32 journalistes)
> Quelles perspectives d’avenir ?
Les difficultés de la PQR n’empêchent pas les initiatives pour développer le lectorat, diversifier les ressources financières, innover. Quelques exemples récents :
Groupe Télégramme : prise de participations dans la société d’audiovisuel Link AM pour renforcer les capacités de production vidéo du quotidien. Elle a été fondée en 2014 à Saint-Etienne (Loire). Avec ses trois sociétés Teaser Médias, Agence Méthode et Plein Axe, elle produit des vidéos de communication, des reportages et documentaires pour le marché national et international. Le groupe breton, déjà opérateur des télévisions Tébéo et Tébésud, fortement engagé dans la production de vidéos digitales, renforce ainsi ses capacités dans les formats longs vidéo, le brand content et les vidéos corporate.
Groupe SIPA-Ouest France : lancement de Ouest France TV, au plus tard au 1er septembre 2025, suite à l’obtention d’une fréquence TNT par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) en juillet dernier.
En octobre Ouest-France a lancé la chaîne YouTube Kolok. Des formats longs, en immersion, spécialement pour attirer les 18-25 ans, déclinés aussi sur Tiktok, Instagram et Snapchat, avec un accent mis sur le divertissement.
Sudouest.fr propose une nouvelle page d’accueil. Au menu, un fil dédié à l’actualité locale, nationale et internationale et un espace vidéo enrichi (reportages, analyses, interviews, etc.). Cette rénovation du site est le résultat d’un travail collaboratif (rédaction, marketing, design, technique) et d’une consultation auprès des lecteurs du quotidien régional.
Groupe Centre France fait évoluer ses applis mobiles dans ses quotidiens avec une interface plus ergonomique et fonctionnelle et plusieurs nouveautés : plus de contenus, grands formats, dossiers spéciaux, vidéos, rubriques Sports, Économie, Loisirs. La version numérique du journal pour les abonnés directement dans le menu, accès aux archives des précédentes éditions. Tous les contenus sont désormais accessibles en audio.
Groupe Nice-Matin (repris en 2020 par NJJ Holding de Xavier Niel) est engagé depuis l’été 2023 dans le projet européen #IQMedia dédié à l’innovation dans les médias.
Groupe La Dépêche du Midi : Midi Olympique est livré désormais depuis septembre dès le lundi matin dans l’Ouest de la France grâce à l’ouverture du nouveau centre d’impression d’Héric (Loire-Atlantique). Le groupe Dépêche a aussi pris 5 % dans le capital de DC Company (Konbini, Le Gorafi) avec un partenariat autour des axes de développement éditorial, publicitaire et technologique.
DIVERTO : PREMIER BILAN
Le nouveau magazine télé, supplément de fin de semaine lancé début janvier dans 50 quotidiens régionaux et départementaux regroupés au sein d’un GIE a publié ses premiers résultats. Sur quatre parutions, le tirage moyen est supérieur à 3,4 millions d’exemplaires chaque semaine. La DFP (diffusion France payée) officielle, enregistrée par l’ACPM est supérieure à 3,2 millions. Un chiffre comparable avec l’ancien TV Magazine du groupe Figaro, disparu fin décembre en raison de la rupture des contrats avec la PQR.
En réaction à cette décision, le Figaro s’est associé au Parisien lancer un nouveau magazine vendu en supplément des deux quotidiens pour un tirage de 530.000 ex.
MAGAZINES TÉLÉ : LA GUERRE EST DÉCLARÉE !
Il a pour vocation de mieux correspondre aux nouvelles manières de regarder la télé. Avec l’avènement des plateformes, du replay et la généralisation des smartphones, il n’y a plus une seule façon de regarder le petit écran, peut-on lire dans son argumentaire.
Hebdo de fin de semaine de 84 pages (dont 10 à 13 de pub), avec des vidéos et des podcasts, il est consacré au divertissement, à la musique, aux spectacles, aux jeux vidéo, à la télé, aux écrans et plateformes.
Son modèle économique est basé sur la mutualisation des coûts : un GIE s’est constitué autour de six groupes de presse (plus de 50 titres quotidiens avec Centre France, EBRA, Sud Ouest, Rossel, La Dépêche du Midi et Sipa Ouest-France) pour financer le projet dont la réalisation a été confiée à Antoine Daccord, 40 ans (IPJ, ESSEC). Il a travaillé pour le groupe Figaro, a dirigé le numérique chez RTL de 2013 à 2019 et de 2019 à 2021 pour le groupe Combat.
Il y a moins de un an, il avait fondé Cosmo38, une société spécialisée dans le conseil éditorial, stratégique et marketing. Il débuta comme reporter de 2000 à 2006 aux quotidiens Le Populaire et L’Écho à Limoges, après avoir étudié la sociologie à l’université.
Rédaction en chef : Roxane Centola (ex-responsable publishing Altice Media). Une équipe de 30 personnes, dont une dizaine de journalistes, a préparé le lancement.
LANCEMENT DU Figaro TV Magazine
Le groupe Figaro ne baisse pas les bras face à cette nouvelle concurrence.
Également à partir de janvier il lance avec Le Parisien un nouveau supplément TV diffusé le week-end. Deux poids lourds de la presse nationale qui, pour la première fois, font cause commune.
Dénommé Le Figaro TV Magazine il est piloté par François Aubel, 50 ans, rédacteur en chef culture-télé print-web au Figaro (ex-red chef du Magazine Littéraire 2007-2010. Journaliste à Libé, Le Monde, et le JDD).
La rédaction compte une quinzaine de journalistes spécialisés. Les 14 salariés du TV Mag bénéficient d'un PSE et plusieurs seront reclassés dans le groupe Figaro.
Consacré à la télé et aux plateformes, ce nouveau titre sera diffusé à 530.000 ex. sur 60 à 64 pages. Pour mémoire, la diffusion 2021-2022 du TV Mag dépassait les 3.880.000 exemplaires. Un objectif de reconquête est donc fixé.
Au sein de l’offre week-end du Figaro, il sera aussi distribué avec Le Parisien le vendredi sous le titre Le Parisien TV Magazine. Hors Ile-de-France et Oise, il ne sera pas commercialisé avec Aujourd’hui en France, privilégiant ainsi Le Figaro. Parmi les nouveautés : les grilles des programmes télé commenceront à partir du samedi, et non plus du dimanche. Les grilles quotidiennes sont ramenées à cinq pages, au lieu de sept. Après l’édito, quelques coulisses et indiscrétions, deux ou trois pages seront consacrées aux contenus disponibles sur les grandes plateformes. Portraits, enquêtes et reportages seront complétés par cinq pages de jeux (au lieu de 2 dans le TV Magazine).
La PQR, lue chaque mois par 43 millions de lecteurs, est vu comme "un maillon essentiel de la vie locale et de la démocratie" mais elle a subi ces dernières années un triple choc : assèchement de ses ressources et de son lectorat par les plateformes numériques, la pandémie qui a accéléré l'érosion des ventes, la très forte hausse de ses coûts de production du fait de l'explosion du prix du papier.
Le rapport dresse un constat lucide estimant que la PQR, longtemps protégée par la fidélité de son lectorat, a plus tardé que d'autres types de presse à réaliser les investissements nécessaires à son développement. Fragilisée, la PQR reste diverse et enracinée dans les spécificités des territoires. Les sénateurs concluent à "la nécessité pour l'État d'accompagner le secteur dans sa mutation, sans pour autant se substituer aux éditeurs dans la redéfinition de leur modèle économique".
On objectera que la PQR est encore très largement soutenue par l'État par le biais des multiples aides à la presse. Les aides à la modernisation ont notamment permis d'accélérer les mutations technologiques, et l'actuel "plan de filière" vise à concentrer les moyens d'impression.
Ces dernières années, les groupes de presse qui possèdent les journaux régionaux ont tous diversifié leurs recettes pour faire face à l'érosion des lecteurs et de la publicité. Les retards, constatés au niveau des investissements, s'expliquent surtout par la faiblesse capitalistique et les freins syndicaux qui, traditionnellement corporatistes, ont souvent ralenti les nécessaires évolutions.
EMMANUEL MACRON ANNONCE SA CANDIDATURE DANS LA PQR
3 mars 2022 : Emmanuel Macron annonce sa candidature pour un second mandat, aux élections du 10 et 24 avril, dans une lettre aux Français publiée dans la presse quotidienne régionale.
En choisissant la PQR, le candidat s'adresse à une cible potentielle de 20 millions de lecteurs, avec ses déclinaisons digitales, soit 81 % de la population française de plus de 15 ans.
La PQR, qui représente 35 % de la diffusion de la presse française, compte 52 quotidiens (régionaux et départementaux), 46 sites web et applications mobiles.
La presse quotidienne nationale ne représentant que 12 % de la presse française.
Seule, La Voix du Nord n’a pas publié l’intégralité de la « lettre » : « publier in extenso dans notre journal serait établir un déséquilibre entre les candidats (…) Nous ferons de même si d’autres candidats nous transmettent un tel texte » a expliqué Patrick Jankielewicz, rédacteur en chef du quotidien.
Ironie de l’histoire, c’est dans La Voix du Nord que Jacques Chirac annonça sa candidature en novembre 1994 pour l’élection de 1995, par un entretien exclusif.
1965 : pour la première élection au suffrage universel direct, Charles de Gaulle l’avait fait depuis l’Élysée dans un discours officiel retransmis par la télévision.
1981 : Valéry Giscard d’Estaing a aussi choisi la formule de l’allocution télévisée.
1988 : François Mitterrand répond d’un simple « oui » à la question posée lors d’une interview sur Antenne 2.
2002 : Lionel Jospin, Premier ministre de la cohabitation, envoie un simple fax à l’AFP. Jacques Chirac profitera d’un déplacement à Avignon pour répondre à la question habilement posée par la maire de la ville.
2012 : Nicolas Sarkozy choisit le journal de 20 h de TF1, deux mois avant le premier tour.
2016 : François Hollande annonce depuis l’Élysée qu’il ne se représente pas.