mardi 4 avril 2023

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

JOURNALISTES, N’AYEZ PLUS PEUR ! 



David Dieudonné, directeur du Google News Lab* était l’invité de l’école de journalisme de Sciences Po Paris, le 31 mars dernier. 

Rassurant ! En une heure chrono, il a su gommer les craintes propagées autour de l’intelligence artificielle, en vantant ses mérites adaptés à la production d’information et aux besoins des journalistes.

Une réponse argumentée face au « hype » de ces derniers mois, histoire de positiver le contexte de crise de la firme de Montain View qui, de l'aveu même de son PDG Sundar Pichai, admet  les débuts hésitants de son IA Bard, moins performant que ses concurrents OpenAI et Bing Chat de Microsoft


Les déclarations tonitruantes d’Elon Musk et de centaines d’experts mondiaux, le 29 mars dernier, n’ont fait que relancer la psychose en réclamant une pause de six mois dans la recherche sur les IA, craignant « des risques majeurs pour l’humanité ». 

En attendant une législation européenne (IA Act), l’Italie a même annoncé son intention de bloquer le robot conversationnel d’OpenAI, accusé de ne pas respecter la législation sur les données personnelles.


« Tirer les meilleurs

partis de l’IA »


Alors que Google a du mal à s’imposer dans le domaine des intelligences artificielles conversationnelles, David Dieudonné** préfère s’en tenir à un commentaire soft sur Bard, évoquant une « expérimentation très prudente ». Loin des polémiques, il préfère insister sur les « bases claires » des partenariats noués par Google avec les médias. 

Face à ceux qui craignent la disparition d’emplois dans le secteur fragile des médias (Ndlr : Springer a annoncé fin février des licenciements à Bild et Die Welt), le représentant du géant californien rappelle que Google s'est investi depuis des années dans un travail de recherche sur l’intelligence artificielle : « Avec The London School of Economics and Political Science (LSE), Google mène depuis cinq ans un travail de recherche pour permettre aux rédactions de tirer les meilleurs partis de l’IA, de façon responsable en respectant les enjeux déontologiques au coeur de cette problématique ».


Les craintes sont surtout liées à la méconnaissance des professionnels comme le révèle une enquête mondiale de Polis (groupe de réflexion pour la recherche et le débat sur le journalisme international à la LSE), qui a interrogé les utilisateurs de l’IA dans les rédactions. 

Premier enseignement : « les robots ne vont pas prendre le contrôle des rédactions et l’inquiétude n’est pas si profonde, l’IA venant en complément du travail journalistique. Une sorte d’assistant, ''coworker’’ en anglais, le journaliste ayant toujours le dernier mot » assure David Dieudonné.

Seconde constatation : trop peu de médias ont une stratégie IA (seulement 37 % des rédactions interrogées) par manque de ressources financières et de compétences.

Aussi, « l’effort numéro 1 porte sur la formation » avec des programmes de plusieurs semaines. « Ces modules réalisés par Journalism AI Discovery permettent de réduire le gap entre grandes et petites rédactions qui ont les mêmes besoins ». Cette action complète l’instauration de nouveaux métiers comme « computational journalist » ou « data reporter ».



Quelles applications ?


Des applications concrètes ont été expérimentées pour réduire l’intervention humaine dans les processus de production de l’information et se consacrer à l’essentiel du métier : « L’IA peut aider au  repérage des « breaking news » dans le bruit des réseaux sociaux. Pour la collecte de l’info, Reuters News Tracer scrute les « signaux faibles » et traque les fausses infos ».

Autre utilisation : comment retrouver des infos utiles dans une masse de documents, images, fichiers audio, interviews et autres ressources ? 

C’est la méthode utilisée dans les Panama Papers. 

Depuis 2020, Google a développé Pinpoint, un outil gratuit, qui permet aux journalistes de télécharger (uploader dans un drive) jusqu’à 200.000 documents dans plusieurs formats.

On peut aussi entraîner un modèle pour repérer dans des images satellites, des « patterns » de couleurs et de formes. Une technologie utilisée par le site ukrainien texty.org. pour repérer des activités minières illégales.

Autre application phare : l’automatisation de tâches chronophages. 

En 2016, le Washington Post utilisait déjà les services d’Heliograf pour récupérer et valoriser par du texte les résultats de football des Highschools, évitant ainsi un travail fastidieux.  L’AFP  s'en sert  pour les rébarbatifs résultats financiers des entreprises.

Des archives, valorisées par l’IA, retrouvent une seconde vie, source de nouvelles recettes pour le média : Life Magazine a pu exploiter des millions de photos qui ne disposaient d’aucune métadonnées, grâce à un algorithme adapté.

L’IA dans les rédactions intervient également dans le « reformatage » en éditant des résumés d’articles ou des encadrés, utiles sur différents supports.

Les innovations à venir continuent de nous étonner…


À peine sortis du feuilleton des droits voisins, les éditeurs de presse ne sont pas près d’en finir avec les géants de la tech. Domestiqués par les journalistes, les robots de l’IA n’ont-ils pas tout intérêt à devenir des « alliés » plutôt que des « ennemis » ?


Thierry Noël



REPÈRES


  • * Le Google News Lab intervient depuis 2015 dans les rédactions du monde entier avec des programmes de formation. En Europe, sa Digital News Initiative a subventionné plus de 450 projets d’innovation pour "aider le journalisme à prospérer à l'ère numérique ». 
  • ** David Dieudonné a été journaliste pendant 20 ans, dont 15 à l'AFP (Marseille, Paris, Washington) après un passage à VSD et à La Tribune. Il a rejoint Google en 2016. Spécialiste des nouveaux médias, il est diplômé d'un master de journalisme à Columbia University. Maître de conférences à l'EDJ Sciences Po (2014-2015).
  • L’action de Google News Initiative a permis la mise en place d’actions contre les « fake news » (CrossCheck pendant les élections françaises de 2017). En 2022, Google a financé une quarantaine de médias européens jugés innovants, dont 8 français, parmi lesquels L'Humanité, Konbini ou Les Jours, à hauteur de 150.000 euros chacun maximum. 
  • En France, l’Autorité de la Concurrence a sanctionné Google en 2021 à hauteur de 500 M€ d’amende pour non respect de ses injonctions sur les droits voisins (une rémunération due pour la reprise de contenus, articles, photos, dépêches). Cette sanction intervenait un mois après une amende de 220 M€ portant sur ses pratiques en matière de publicité.


LE MONDE DE L’IMAGE BOUSCULÉ 


La photo du pape François avec sa doudoune blanche a fait le tour du monde depuis le 25 mars ! Devenue virale, cette image n’était qu’une création de l’IA. D’un point de vue éthique, ces photos « truquées » interpellent comme les vidéos « Deepfake ». 

Réalisées avec les logiciels Midjourney ou Dall-E-2, elles menacent les photographes et illustrateurs dans leurs droits d’auteurs. 

Des artistes mais aussi des médias font déjà appel à ces outils, générateurs « text-to-image » pour concevoir des illustrations faute de temps ou de ressources financières pour rémunérer des professionnels.

En juin 2022, le réputé magazine britannique The Economist a laissé l’IA créer sa Une ! (ci-contre) avec un article explicatif titré : « comment un ordinateur a conçu la couverture de cette semaine ».

Pour l’instant, la justice américaine interdit d’accorder des droits à des images générées par l’IA. En février 2022, la US Copyright Office Review Board a rejeté une demande visant à accorder un copyright à une image de paysage générée par l’IA et intitulée « A Recent Entrance to Paradise ».



LES ÉCHOS-LE PARISIEN S’ENGAGENT SUR L’IA


24 mai : le groupe Les Échos-Le Parisien (LVMH) a pris des engagements concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans les rédactions. Les directions des 10 rédactions du groupe ont prévu de s’engager sous la forme d’un manifeste dans le respect des chartes et usages déontologiques. Il est désormais prévu de ne pas publier de contenu éditorial généré en totalité ou partiellement par une IA sans supervision éditoriale et humaine. 

La possibilité reste ouverte à titre illustrait, en mentionnant explicitement l’origine du contenu. L’IA pourra s’utiliser comme « outil d’enrichissement, de recherche ou de synthèse pour aider et nourrir le travail des journalistes ». Il en va de même pour les images ou vidéos, sauf lorsque l’IA sera utilisée comme un outil d’aide à la synthèse de vidéos, dans le respect des droits d’auteurs.


CNIL : UNE ENQUÊTE SUR CHATGPT


14 avril : la Commission nationale de l'informatique et des libertés a décidé d'ouvrir une enquête à l'encontre de ChatGPT, en raison du manque de transparence concernant ses conditions d’utilisation. Cinq plaintes ont été déposées depuis début avril, suite à l’absence de "conditions générales d’utilisation », ou de données erronées. Celle du député (Renaissance, Côtes d’Armor) Éric Bothorel concerne de possibles infractions au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD). L'élu a publié des captures d'écran de ses échanges avec l'outil l'IA, qui montrent de nombreuses erreurs lorsqu'il est interrogé sur son profil, avec des dates et fonctions fantaisistes. Le RGPD stipule que les données personnelles doivent être exactes.



Fin février : le groupe de médias allemand Axel Springer annonce des suppressions d’emplois dans les quotidiens Bild et Die Welt. Des décisions motivées par l’introduction de l’intelligence artificielle, susceptible de « remplacer » des journalistes. 

Demain, le journaliste sera-t-il remplacé par un ChatGBT ? 

Menace ou opportunité ?

 

Dans une lettre aux salariés le PDG Mathias Döpfner annonce vouloir valoriser « la création journalistique, avec les reportages, scoops et éditoriaux, qui devient le coeur de métier tandis que la « production journalistique va devenir un ‘’sous-produit’’ ».  

Un travail de plus en plus automatisé. Aussi, des suppressions d’emplois « significatives » ont été décidées dans les domaines du pré-presse, de la mise en page, la correction et l’administration.

Springer emploie 18.000 personnes dans le monde, dont 3.400 journalistes et compte « améliorer ses bénéfices d’environ 100 M€ dans les trois prochaines années par le développement des ventes et des économies de coûts ». 

En 2022, 85 % des ventes et 95 % des bénéfices proviennent du numérique.


LES AUTOMATISMES SE DÉVELOPPENT EN FRANCE


Si ChatGPT *, est capable de produire un texte sur n’importe quel sujet en quelques secondes, les développements de l’intelligence artificielle ne datent pas d’hier. 


Le « lean management » (amélioration des processus) est entré dans les rédactions au début des années 80 avec l’informatisation des rédactions et l’automatisation d’actions répétitives comme le montage des pages.

Dès 1994, Synapse Développement, fondée à Toulouse par des ingénieurs passionnés de langue française, a mis au point les premiers chatbots conversationnels. L’an dernier, l’entreprise a remporté le concours i-Nov, financé par les Investissements d’Avenir de l’État.

À partir de 2018, le groupe suédois MittMedia a équipé la presse de logiciels capables de donner la météo, de rendre compte de rencontres sportives, d’afficher les résultats boursiers et les annonces immobilières. En France l’AFP utilise ces algorithmes pour certaines dépêches. 


En 2018 également, le Groupe Pratique (fondé en 2014), spécialisé dans le service internet de la vie quotidienne, a fait l’acquisition de la start-up LabSense qui réalise des contenus récurrents pour L’Équipe, 20 Minutes, actu.frUni Médias, Unify, L’Union, L’Est Éclair, Centre France, Le Courrier Picard, La Voix du Nord, Marie Claire, France TV, France 3, Télé7jours, InfoPro, Rossel, ELLE, etc.


L’horoscope, la météo, les résultats électoraux, les biographies, sont des exemples courants de contenus automatisés.

Dans son argumentaire commercial, LabSense propose « de déléguer la rédaction de contenus fastidieux, à faible valeur journalistique et pourtant indispensables aux yeux du lectorat. » (…) «  La puissance de l’IA est mise au service de vos contenus ». 


L’objectif est d’accroître le trafic des sites et de libérer les rédactions. LabSence utilise les logiciels de Syllabs qui génèrent des textes « dans un souci de performance digitale et de rentabilité ». Ouest-France, l’AFP, Le Monde, Radio France, Auto Plus en sont clients.


https://www.lab-sense.com


(*) ChatGPT a été lancé en novembre 2022 par OpenAI, une société américaine co-créée par Elon Musk et Sam Altman en 2015 et valorisée à 29 milliards de dollars en 2023.


L’IA AU SERVICE DU FACT-CHECKING ET DES MALENTENDANTS


Radio France, l’école Polytechnique et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) ont engagé en 2022 un partenariat pour développer l’IA dans ses rédactions afin de vérifier l’exactitude des faits, chiffres et citations. La mise en oeuvre de ce nouveau type de fact-checking fait appel à des logiciels adaptés.


> La chaîne franceinfo fait appel à un outil de sous-titrage automatique, basé sur l’IA, pour une dizaine de ses JT et deux en langue des signes. Sur la plateforme france.tv Lab les internautes peuvent apporter leur contribution jusqu’au 19 juin pour améliorer l’outil en répondant à un questionnaire.


> Depuis 2013, l’éditeur israélien Wibbitz permet de « digérer des articles pour les transformer en audios et vidéos de moins d’une minute » mis en ligne en quelques clics.

Dès 2014, cette start-up s'est vue décernée le grand prix du forum Netexplo.

TF1-LCI, Marie Claire, Bloomberg, The Heather Channel, Reuter, The Telegraph, Forbes Magazine, le Daily Mirror et Getty News l’utilisent depuis plusieurs années.


https://www.wibbitz.com/fr/a-propos/



BLOOM AVEC LA START-UP FRANÇAISE HUGGING FACE


Pour ne pas laisser le monopole aux américains, la start-up française Hugging Face a mis au point une plateforme de partage spécialisée en IA. Bloom, son modèle de langue multilingue, a bénéficié de l’aide du CNRS avec la collaboration d’un millier de scientifiques dans le monde. Il fonctionne en open source. À la différence de GPT-4 qui se nourrit majoritairement de la culture anglophone, Bloom travaille avec 46 langues, dont le française une vingtaine de langues africaines.


OPEN AI LANCE GPT-4 


14 mars : si vous avez détesté ChatGPT, vous adorerez peut-être GPT-4, la nouvelle version de l’intelligence artificielle mise au point par OpenAI. Ses programmes se déclarent « aussi intelligents que les humains »…

Microsoft l’a déjà intégré à Bing, son moteur de recherche. Ce nouveau modèle de chatbot est équipé de la vision. 

Il comprend le texte mais aussi les images avec l’apport de Be My Eys, une autre start-up. Pour l’instant, seuls les utilisateurs de ChatGPT Plus, la version payante, et le million d’internautes de Bing vont tester GPT-4 sans les images dans un premier temps.


GOOGLE RÉAGIT AVEC BARD


21 mars : l’agent conversationnel Bard de Google a été lancé en accès public aux États-Unis et au Royaume-Uni pour tenter de contrer ChatGPT déjà intégré aux différents services de Microsoft. 



vendredi 31 mars 2023

À LA DÉCOUVERTE DES GROUPES DE PRESSE&MÉDIAS 2023

 Presse & Médias - 1er trimestre 2023

Une bonne connaissance de l’actualité des médias est indispensable. Le contexte de profonde évolution des modèles économiques, la mutation numérique et les concentrations, obligent à suivre les groupes de presse, d'audiovisuel et les réseaux sociaux. Chaque lien hypertexte regroupe la synthèse des infos du trimestre.


     autres quotidiens des DOM-TOM
     


PURES PLAYERS

LES AIDES À LA PRESSE 2021 


> L’AFP 

AUDIENCE DES SITES


> Presse satirique LE CANARD ENCHAÎNÉ, Charlie, Siné Mensuel


    > Presse économique 


    > Presse jeunesse


    > Presse magazine 


    > Presse sportive 


    RÉSEAUX SOCIAUX


    EN BREF


    CARNET


    > BIOS : 60 NOMS EN PREMIÈRE LIGNE


    > INTELLIGENCE ARTIFICIELLE


    JUSTICE

     

    NÉCROLOGIES 2023


    > À LIRE


    Synthèse réalisée par Thierry Noël (journaliste honoraire 38013), bénévole La Chance Toulouse

    Les infos sont issues d’une revue de presse sélective : 

    La Lettre A

    ozap.com

    strategies.fr

    CB News

    Offre Media


    Sources des données publiées : 

    Audiences et diffusion ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias)

    Médiamétrie 

    Chiffres d’affaires, résultats : societe.com

    Biographies : Linkedin 





    TOUTE L'ACTU DES GROUPES DE PRESSE ET D'AUDIOVISUEL

    Une bonne connaissance de l’actualité des médias  est indispensable pour celles et ceux qui veulent devenir journalistes.   Le contexte de p...